Ces deux dernières semaines se déroulait au sein de l’Université de Sheffield la principale campagne électorale de l’année universitaire. Il s’agissait d’élire les huit membres du conseil décisionnel du Student Union pour l’année scolaire 2012/2013. Huit fonctions différentes donc, dont dépendent des domaines variés: activités, éducation, sports, international, bien être, droits des femmes, finance et enfin la présidence. Et au final un enjeu d’important, les candidats sont pour la plupart en première année, et le poste d’ « Officer » est un emploi salarié à haute responsabilité, d’autant plus que le Student Union de l’Université de Sheffield est le plus grand d’Angleterre.
Pour un français habitué aux usuels scrutins de listes de nos universités, le choc a été grand: du jour au lendemain l’établissement était recouverte de banderoles, des militants aux t shirt colorés tractaient à tous les coins de rue, la radio comme la télévision universitaire y consacraient des émissions spéciales tandis que les profils facebook étudiants s’habillaient aux couleurs des candidats. L’université à même publié un guide portant sur comment faire campagne. Une forte impression donc, mais aussi un excellent champ d’étude pour la communication politique.
On se trouve en effet face à une campagne particulièrement active: les 39 candidats se présentent tous pour la première fois, sont pour la plupart des inconnus en dehors de leur promotion, et ils n’ont qu’une période limitée, de deux semaines, pour faire connaître tant leurs noms que leurs propositions. Contrairement à la France, ou les organisations étudiantes sont bien connues, ainsi que leurs positions générales, il n’y a nulle association dont ils peuvent revendiquer le soutien et les idées. On assiste alors à une campagne personnelle qui se doit de se démarquer au plus vite, faire une forte impression, tout en touchant un maximum de gens car il n’est guère aisé de mobiliser les 25 000 étudiants de l’Université de Sheffield.
N’étant arrivé que depuis quelques semaines, je n’étais donc pas moi même engagé, qui plus est je ne connaissais rien aux différents enjeux du scrutin, que ce soient les candidats, leurs programmes ou les différents postes proposés. Électeur sans aucun à priori, c’était alors l’occasion pour moi de m’intéresser uniquement à la communication des candidats et à la manière dont celle ci m’atteignait. Ainsi, voici donc un petit manuel de communication politique sans prétentions, à destination des campagnes, étudiantes ou non:
– Soigne ton réseau militant: la candidate Tolu Osinubi, pour les sports a réussi à m’atteindre grâce à une importante mobilisation militante. Elle s’est en effet appuyée sur les clubs de sport dont elle faisait partie et à réussi à faire de leurs membres un relais efficace pour sa campagne, ceux-ci en parlant autour d’eux, relayant les informations…
– Présente un clip soigné: si l’ensemble des candidats avaient réalisé une vidéo de présentation, Amy Masson candidate pour le poste de Women officer a elle réussi un véritable clip de campagne, avec une série d’hommes et de femmes posant habillés comme la candidate, et réclamant eux aussi une progression vers l’égalité des droits.
– Valorise le contact direct: Celui-ci, tout spécialement dans le cadre d’une campagne personnelle, est détenteur d’une valeur symbolique extrêmement forte. Ainsi, le simple fait d’avoir rencontré Lucas Tomlinson, candidat pour l’éducation, lors d’une interview pour la radio universitaire, lui apporté un crédit important et ce même si à aucun moment son programme n’avait été abordé.
– Soigne tes fichiers de contact: Il me faut en effet souligner le travail important effectué par Tom Hollis, qui se présentait pour la présidence, et par son équipe. Il a été le seul à mettre en place une mailing list d’envergure, ses militants ayant collecté durant les quatre premiers jours de cette campagne resserrée près de 1000 adresses mails et ce lorsque l’on sait que 8500 étudiants ont participé au vote. Recevoir alors trois mails du candidat rappelant son programme, son nom et comment voter permettait de garder un contact étroit et lui offrait une influence certaine.
– Ne sous estime pas l’imprimé: Yang Fan, candidate pour l’international a été l’une des seules à diffuser largement un tract de campagne bien réalisé. Problème de temps ou prétention nouvelle d’une génération numérique? Toujours est il qu’avoir dans sa poche un résumé complet des propositions de la candidate, qui peut être relu lors d’un temps libre, joue beaucoup en sa faveur.
– Rend ton slogan impactant: Le slogan de Roscoe Hastings candidat pour le poste de Welfare Officer, « Roscoe to the Rescue » n’était à première vue pas exceptionnel. Le fait pourtant qu’il soit relié au poste convoité, qu’il reprenne le nom du candidat, mais surtout qu’il soit reemployé dans sa campagne sous la forme du RR, devenu une signature à part entière, ont permis de lui donner un impact tout particulier, et c’est aujourd’hui le seul dont je me souvienne.
– Occupe le terrain de manière cohérente: On l’a dit la campagne a été particulièrement intense, chaque candidat ayant en moyenne une dizaine de militants actifs à ses cotés, cela signifie près de 400 étudiants se mobilisant, des affiches, des banderoles… Il faut alors souligner la campagne d’Emily O Connor pour le développement qui, grâce à une véritable charte graphique autour de son slogan « O’con is the 1 », a réussi à véritablement faire la différence sur le plan visuel, au point que l’on ne puisse plus voir de rouge ou de 1 sans penser à elle.
Au final une campagne riche et captivante qui plus est, pour un étudiant étranger. Et ce d’autant plus que les règles s’appliquant aux médias universitaires reprenaient celle d’une vraie campagne, entre équité du temps de parole et neutralité des journalistes. Si l’ensemble de ces candidats n’ont pas été élus, l’élection a été unanimement saluée comme une véritable victoire de la démocratie, avec pres de 30% de participation, les 8500 votants établissant un nouveau record national de participation. Un engagement alors favorisé par des campagnes réussies, même avec les moyens d’un étudiant.
Quentin Chaix, Étudiant erasmus à l’Université de Sheffield