Le vendredi 17 février, Christian Wulff (CDU) quitte la Présidence de la République fédérale allemande. Cet événement est une marque d’instabilité. D’autant plus que Christian Wulff a été nommé à la suite de la démission de Horst Köhler (CDU). L’Allemagne a donc connu deux Présidents en moins de deux ans. Vu de France, ces événements paraissent curieux. Surtout que deux jours plus tard, Joachim Gauck est désigné candidat unique à la Présidence.
Après des mois de scandale, Christian Wulff (CDU) a démissionné ce 17 février. Il n’a occupé ce poste honorifique que pendant 598 jours. Cette démission est un échec pour Angela Merkel. C’était en effet son candidat. Elle avait eu quelques difficultés à le faire élire. Rappelons que le Président allemand est élu par l’ensemble des parlementaires et des délégués représentants les Länder ; il doit donc être le plus consensuel possible. L’opposition doit apporter son soutien d’une manière ou d’une autre. Mais à quelques mois de la prochaine élection, il était bénéfique pour la Chancelière d’avoir Wulff à ses cotés.
L’annonce de Christian Wulff a donc rabattu les cartes. Chaque parti peut en effet proposer son candidat. Depuis Paris, on imagine un espèce de conciliabule où chacun veut s’imposer. C’est mal connaître nos voisins d’outre-rhin. Dès le départ, Claudia Roth (Die Grünen) affirme que l’on ne joue pas à « Deutschland sucht den Bundeskandidaten » (« L’Allemagne cherche son candidat. », référence à l’émission de la chaine allemande RTL « L’Allemagne cherche sa super star »).
Et c’est sur ce point que les français peuvent être étonnés. Même si les systèmes politiques sont différents et que la coalition fait partie de l’esprit politique allemand, on peut s’interroger sur la force symbolique d’un tel processus. Chaque parti politique prend part aux tractations et essaie d’évoluer vers un consensus. C’est une forme de pragmatisme. Loin de là l’idée qu’il n’y a pas de politique politicienne en Allemagne. Mais cette conception sait s’effacer pour faire sortir le pays d’une crise politique en devenir.
Lors de son interlocution du 17 février, la Chancelière, consciente que son candidat a échoué, propose de se concerter avec chaque représentant des partis politiques. Elle doit rassembler autour du futur Président.
Un nom semble sortir des premières discussions. Celui de Joachim Gauck, personnalité remarquée pour son action contre la dictature communiste, il a longtemps dirigé la Stasi-Unterlagenbehörde (Organisme administratif crée après la réunification pour informer les citoyens de l’ancienne RDA sur les activités de la Stasi). On a même appelé cette entité Gauck-Behörde. Il a vécu en ancienne RDA et s’est opposé à ce régime. C’est un élément intéressant dans une Allemagne qui se reconstruit depuis 1989. Il y a encore en Allemagne un clivage entre l’ouest et l’est. La Chancelière est elle-même une ancienne citoyenne de la RDA. Notons aussi que Gauck est extrêmement critique vis-à-vis du parti Die Linke (les représentants de l’ancien parti communiste SED).
Sa nomination à la Présidence est une sorte de revanche pour Gauck. Il a été le rival de Christian Wulff en 2010. En acceptant sa nomination, la Chancelière avoue quelque part son erreur. C’est donc une preuve de faiblesse pour la Chancelière la plus populaire d’Allemagne. Sigmar Gabriel (SPD) se réjouit que la Chancelière ait corrigé son erreur. Les partenaires de Merkel dans la coalition ont même apporté leurs soutiens à Gauck avant l’annonce officielle. Elle n’avait donc plus le choix. Joachim Gauck n’est le représentant d’aucun parti, il bénéficie d’une indépendance qui sera appréciée dans son nouveau rôle. Le Président représente l’instance morale. Il est le garant de la démocratie allemande. Mais malgré ce que l’on peut penser, sa nomination est très politique.
Le 19 février 2012, les différents représentants des partis politiques allemands se réunissent autour de la Chancelière pour annoncer la candidature unique de Joachim Gauck. Il y a donc peu de surprise. Il sera le nouveau Président de la République fédérale Allemande. On a retrouvé autour de la Chancelière – Sigmar Gabriel (SPD, social-démocrate) et Claudia Roth (Die Grünen) – deux possibles adversaires en 2013. Ce moment « d’union nationale » est suffisamment étonnant pour nous Français.
Maxime Boitieux