En France, notre Président se place, dans son discours et par son statut, dans la lignée directe des Rois de France, des Lumières, de Napoléon et du Général de Gaulle. La République et ses représentants jouent sur la symbolique historique. Les Français sont attachés à certaines valeurs du passé mais prônent en même temps la modernité. C’est tout le paradoxe de cette République du XXIe siècle. Le Président de la République se doit de connaître le patrimoine culturel français. Plus encore, il doit montrer sa propre culture.
L’égo (surdimensionné?) des Français est flatté lorsque le Président leur rappelle que leur pays est la patrie des droits de l’Homme, ou les moments glorieux de son histoire tels que son passé révolutionnaire et la Résistance. En France, il faut que le chef de l’État soit cultivé, qu’il fasse des références savantes. Ce critère est aussi respecté par les candidats à la présidentielle. Dans son discours du Bourget le 22 janvier, François Hollande se devait de parler de la France, mais aussi de lui. Pour cela, on attendait qu’il évoque ses lectures, ses auteurs fétiches. C’est alors que Shakespeare, Baudelaire et Camus sont apparus dans son premier grand discours pour la campagne présidentielle de 2012. L’équipe de campagne du candidat met en scène le candidat. Lors de son déplacement à Toulon (25 janvier), une vidéo de campagne le montre annotant son discours. On valorise l’homme lettré qui apporte jusqu’au dernier moment son empreinte.
Les Français ont un rapport particulier à l’écriture. La polémique autour de La Princesse de Clèves en est un bon exemple. Le Président Sarkozy avait suggéré l’idée que l’expérience sur le terrain est parfois plus importante que la culture savante. Selon lui, on ne peut pas comparer une oeuvre du XVIIe siècle à l’expérience professionnelle. Malgré son statut, cette affirmation décomplexée lui avait valu des critiques acerbes, notamment de la part du monde enseignant. Le Président est depuis revenu sur cette idée. Avec l’aide de sa femme, le Président aime raconter aux journalistes ses dernières lectures, les derniers films qu’il a vu. Et attention, plus question d’être uniquement un amateur de Louis de Funès. Il faut aimer les films de Fellini, de Visconti. Il faut avoir lu Guerre et Paix et La Reine Margot. Il y a donc clairement une hiérarchisation des cultures qui est opérée.
Pourquoi ce besoin de mettre en avant sa culture ?
Il y a là presque un complexe chez le Président Sarkozy. Il a souvent répété qu’il n’était pas énarque. Son côté « populaire » (« Je parle comme le peuple ») a souvent été mis en valeur. C’est sûrement une des raisons de son élection en 2007. Mais une fois arrivé à la tête de l’État, les Français veulent un homme d’État, un homme lettré à l’image de Français Mitterrand ou même de Jacques Chirac. Tout du moins en apparence.
Frédéric Mitterrand dit : « La France est un musée ». La République française emprunte encore aux traditions monarchiques. Les détracteurs parleront de monarchie élective. Tout cet apparat s’accompagne d’une culture loin d’être populaire. Encore en 2012, le Président de la République a une sorte d’aura culturelle divine. On aime penser que le Président rédige lui même ses discours, alors qu’il a un « nègre ». Cette personne de l’ombre devient alors l’objet de tous les fantasmes.
Et c’est là le paradoxe à la française. Il faut entrer dans la génération Facebook et Twitter. Les candidats sont pleinement entrés – par l’intermédiaire de leurs équipes de webcampagne – dans ce nouveau mode de communication politique. Mais ils restent néanmoins attachés à une écriture « à l’ancienne ». En plus de leur site internet, leur page Facebook, leur compte Twitter, les candidats français vont dans leur majorité publier un livre. Par ce livre, le politique tente de s’opposer à une forme de communication, celle de l’image. Il veut montrer par son implication dans l’écriture qu’il est souverain. Le candidat est légitime, il s’exprime directement aux citoyens. Ce sont ses mots qui vont toucher la nation. François Mitterrand rédige « La lettre à tous les Français ». Il n’y pas d’intermédiaire entre lui et les citoyens. Il n’y a plus d’image (en théorie).
Maxime Boitieux
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