Comme son père avant elle, Marine Le Pen se plaint d’avoir des difficultés à récolter les 500 parrainages d’élus nécessaires pour se présenter à la présidentielle. Lors de son meeting du 5 février, la candidate du Front National a ainsi dénoncé le « rêve de la classe politique » de voir son nom absent des bulletins de vote le 22 avril. Pour beaucoup d’hommes et de femmes politiques, de gauche comme de droite, ce ne serait – encore une fois – que du bluff. Comme le résume Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP, « Ils nous font le coup à chaque fois, et à chaque fois ils sont là ». C’est l’effet bis repetita, fondé sur une croyance tenace (et vraisemblablement infondée) en communication électorale que ce qui a marché une fois a toutes ses chances de fonctionner de nouveau. Néanmoins, on ne peut que supposer que c’est une véritable stratégie qui est orchestrée par le Front National.
Bluff ou non, la complainte incessante du FN qui consiste à dénoncer l’injustice du système des parrainages est une technique de communication imparable et qui ne semble d’ailleurs pas s’user au fil des élections. Elle permet – de part la victimisation – de légitimer le caractère idéologiquement marginal du Front National et d’en faire une force plutôt qu’une faiblesse, la focale se trouvant déplacée de « parti d’extrême droite aux idées dangereuses » à « petit parti en danger ». Ironie du sort : on pourrait presque parler de retournement de stigmate au sens goffmanien du terme.
La technique fait également écho à la stratégie de dédiabolisation entreprise par le parti, ce qui augmente (en théorie) son efficacité.
Selon une étude de l’IFOP, il existerait un profil type de maire susceptible de donner son parrainage à Marine Le Pen en vue de la présidentielle : le maire d’une commune rurale du nord-est de la France et comptant entre 50 et 250 inscrits sur les listes électorales. C’est donc auprès de ce public de maires que le FN a jeté son dévolu afin de remporter des signatures.
Malgré tout, Marine Le Pen ne disposerait que de 346 promesses de parrainages en date du 10 février, comme le stipule le constat d’huissier demandé par le FN afin d’alimenter son dossier de question prioritaire de constitutionnalité déposé au Conseil constitutionnel. Corine Lepage (Cap21) et Christine Boutin (Parti chrétien-démocrate) ont par ailleurs rejoint Marine Le Pen dans son recours en justice pour défendre l’anonymat du parrainage et seront donc présentes le 16 février pour l’audience au Conseil constitutionnel. La présence conjointe à l’audience de ces deux petits partis (qui recueillent chacun environ 1 % voire moins d’intentions de vote) et du FN (qui recueille quant à lui près de 20 % d’intentions de vote) est une nouvelle victoire symbolique du parti d’extrême droite et de sa stratégie de dédiabolisation.
Rebecca Smadja