Alors que la crise de confiance entre les citoyens et leurs représentants continue de progresser en France, de nouvelles révélations apparaissent quant à l’affaire Bygmalion. L’argent de l’UMP aurait servi à financer les maisons et appartements des dirigeants de l’agence de communication (1).
Selon le CEVIPOF, 87% des Français considèrent que les responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout des gens comme eux. 69% des Français estiment que leur démocratie ne fonctionne pas bien (2).
Les nouvelles informations du Point quant à l’affaire Bygmalion n’arrangent pas les choses. Bastien Millot, l’un des deux cofondateurs de la société achète deux propriétés en Picardie pour une facture de 850 000 euros. Franck Attal, patron d’Event et Compagnie, la filiale événementielle de Bygmalion, est en possession depuis l’été 2013 d’un appartement proche de la plage de Tel-Aviv. Estimé à près d’un million d’euros, cet achat a eu lieu quelques mois après avoir empoché 625 000 euros de dividendes d’Event, elle-même alimentée par les 22 millions de l’UMP (3).
Invalidation des comptes de campagnes de Nicolas Sarkozy
Au-delà de ces nouvelles révélations, l’affaire Bygmalion révèle la dissimulation des dépassements de frais de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 à travers un système de fausses factures couvertes par l’UMP.
En effet, contrairement aux États-Unis, tous les types d’élections ont un plafonnement financier en France depuis la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques. Cette loi a également créé la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) (4). Ainsi, pour la campagne présidentielle en 2012, le plafond s’élevait à 16,8 millions d’euros pour le premier tour et 22,5 millions d’euros pour le second tour. Mais les comptes de Nicolas Sarkozy ont été invalidés par la CNCCFP après la réintégration d’un certain nombre de dépenses qui ont occasionné un dépassement du plafond autorisé (5).
Communication de crise : la stratégie du refus
Par ailleurs, dans cette affaire, il est intéressant d’observer la stratégie de communication des différents acteurs. Jean-François Copé, secrétaire général de l’UMP de 2010 à 2012 affirme, sur le plateau de RMC/BFM TV le 26 mai 2014, qu’il ne savait rien du tout (6). Étrangement, Bastien Millot, affirme lui aussi n’avoir rien vu, rien su, rien entendu, mais donne quand même son avis :
« C’est bien le candidat lui-même qui signe le compte de campagne à la fin, avec une responsabilité légale et financière. Il est donc difficile d’imaginer qu’il l’ait signé sans regarder. » (7)
Brice Hortefeux, quant à lui, feint de ne pas savoir quel est exactement le nom de la société « Pygmalion ou Bygmalion ». Cette ignorance aurait pu être sincère s’il n’avait pas essayé de reproduire cette manœuvre de diversion pendant quatre mois (8). Enfin, Nicolas Sarkozy, le principal intéressé, après être sorti de son silence, s’est toujours défendu d’avoir su qu’un tel mécanisme existait, trop occupé pour se soucier de la logistique de sa campagne (9).
Dans le domaine de la communication de crise, Didier Heiderich, consultant, formateur et président de l’Observatoire international des crises, discerne trois grandes stratégies : la reconnaissance, le projet latéral et le refus. Dans le cadre de l’affaire Bygmalion, il s’agit d’adopter la stratégie du refus. On garde le silence, on cesse de parler ou on avance le principe du chaînon manquant. Nul ne sait quoi que ce soit et encore moins le(s) responsable(s) de cette tragédie. Les conséquences d’une telle stratégie peuvent s’avérer extrêmement dommageables. Si les faits ressurgissent à plus ou moins long terme et avec une nouvelle lecture des événements. Cela se traduira par une nouvelle perte de crédibilité (10).
Nicolas Sarkozy l’a peut-être compris en concentrant sa communication sur son retour politique et sa volonté de devenir président de sa formation politique pour la rénover. Il s’agirait donc d’opter pour la stratégie du projet latéral. Le but est de déplacer le débat. On reporte la responsabilité à l’extérieur, on communique plus fortement sur un autre registre et on souligne que le pire a été évité (11).
« Est-ce que vous croyez que si j’avais quelque chose à me reprocher au fond de moi, je viendrais m’exposer dans un retour à la politique comme aujourd’hui ? » (12)
Affaire à suivre…
Valentin Bernard
Crédits Photo : François BOUCHON / Le Figaro
(1) Le Point.fr. La boulimie immobilière des patrons de Bygmalion [en ligne]. Disponible sur : http://www.lepoint.fr/politique/la-boulimie-immobiliere-des-patrons-de-bygmalion-31-10-2014-1877404_20.php (consulté le 01.11.2014)
(2) Le Baromètre de la confiance politique. BJ8950. Vague 5 [ en ligne ]. Paris : CEVIPOF CNRS, 2014. Disponible sur : http://www.cevipof.com/fr/le-barometre-de-la-confiance-politique-du-cevipof/les-resultats-vague-5-janvier-2014/ (consulté le 31.10.2014)
(3) Le Point.fr, op. cit., p.46.
(4) Legifrance.gouv.fr. Loi n°90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques [en ligne]. Disponible sur : http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000341734&dateTexte (consulté le 02.11.2014)
(5) Le Figaro.fr. Comment le financement d’une campagne est encadré [en ligne]. Disponible sur : http://www.lefigaro.fr/politique/2013/03/22/01002-20130322ARTFIG00446-comment-le-financement-d-une-campagne-est-encadre.php (consulté le 02.11.2014)
(6) Sud Ouest. Affaire Bygmalion : Jean-François Copé avoue avoir « des interrogations » [en ligne]. Disponible sur : https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=video&cd=1&cad=rja&uact=8&ved=0CCAQtwIwAA&url=http%3A%2F%2Fwww.sudouest.fr%2F2014%2F05%2F26%2Faffaire-bygmalion-jean-francois-cope-avoue-avoir-des-interrogations-1566624-5420.php&ei=zaRWVPOBKMbtO-nMgZgK&usg=AFQjCNFV2iCqFJjbwveugYeDgdhe1EAdoA (consulté le 02.11.2014)
(7) Marianne. Bygmalion : Millot ne sait rien… mais dit tout sur Sarkozy ! [en ligne]. Disponible sur : http://www.marianne.net/Bygmalion-Millot-ne-sait-rien-mais-dit-tout-sur-Sarkozy-_a241867.html (consulté le 02.11.2014)
(8) Le Huffington Post. Bygmalion ou Pygmalion : Brice Hortefeux hésite trop souvent [en ligne]. Disponible sur : http://www.huffingtonpost.fr/2014/10/14/bygmalion-pygmalion-brice-hortefeux-hesitations_n_5980978.html (consulté le 02.11.2014)
(9) Le Monde.fr. Affaire Bygmalion : Nicolas Sarkozy directement menacé [en ligne]. Disponible sur : http://www.lemonde.fr/enquetes/article/2014/10/06/affaire-bygmalion-nicolas-sarkozy-directement-menace_4501092_1653553.html (consulté le 02.11.2014)
(10) Journal Du Net. Les trois stratégies possibles Communication de crise [en ligne]. Disponible sur : http://www.journaldunet.com/management/dossiers/050167crise/strategies.shtml (consulté le 02.11.2014)
(11) Thierry Libaert, Communication de crise, Paris, Dunod, 2001.
(12) Francetv. Revivez l’interview de Nicolas Sarkozy dans le journal de 20 heures sur France 2 [en ligne]. Disponible sur : http://www.francetvinfo.fr/politique/ump/succession-a-l-ump/direct-suivez-l-interview-de-nicolas-sarkozy-au-journal-de-20h_699361.html (consulté le 03.11.2014)