Depuis quelques années déjà les activités de Inaki Urdangarin, mari de l’infante Cristina d’Espagne, duc consort de Palma de Malorque, inquiétaient la couronne espagnole. En effet, cet ancien joueur de handball du FC Barcelone et de l’équipe nationale montrait un certain intérêt pour un sens des affaires trop prononcé et particulièrement opaque.
Inaki Urdangarin rejoint en 2003 l’institut Noos une société dont le but est de mettre en relation les partenaires privés et publics à l’occasion d’événements sportifs, culturels, etc. Membre des administrateurs, il en devient le président en 2004.
Les missions de l’institut sont facturées à des prix exorbitants. Le bureau anticorruption espagnol surveille de près la société, et perquisitionne les locaux en décembre 2011. Les résultats confirment que le gendre du roi Juan Carlos a expédié d’importantes sommes d’argent public vers des paradis fiscaux tels que la Suisse et la Belize. Le montant exact n’est pas encore connu, mais on parle de 6 millions d’euros à 17 millions en tout, selon le journaliste du quotidien El Mundo, Eduardo Inda.
L’attitude du monarque dans cette affaire reste cependant suspecte, puisque fin 2006, le roi avait sommé à son gendre de quitter son poste et d’en accepter un autre au sein de la société Telefonica. En 2009, ce dernier est ainsi muté à Washington, où toute sa famille le suit. Nous sommes alors en droit de nous demander si Juan Carlos Ier a tenté d’éloigner son gendre d’un potentiel scandale. Ou en savait-il plus à l’époque et voulait de cette manière stopper les activités frauduleuses du duc ?
De fait, depuis novembre 2011 une enquête a été officiellement ouverte pour malversations, faux et usage de faux, fraude à l’administration et prévarication.
Depuis, la couronne espagnole communique peu sur le sujet. En effet, c’est la première fois depuis l’arrivée au trône de Juan Carlos Ier en 1975 qu’un tel scandale éclate. Les services de Sa Majesté tentent de préserver l’image de la royauté et de se détacher au mieux de cette affaire.
Toutefois, on remarque que le monarque prend la parole le 12 décembre 2011, juste après que son gendre ait déclaré avoir nominé un avocat pour sa défense. Il écarte officiellement Inaki Urdangarin des apparitions publiques pour « tenue non exemplaire », sans plus de précisions. Son allocution n’est d’ailleurs pas présente sur le site internet de la royauté , qui recense tous les discours de la famille royale. Dans le même temps, la statue de cire du duc est mise à l’écart au musée de cire de Madrid.
La communication de la couronne vise donc à se protéger elle-même. Elle ne cherche pas à défendre ce gendre si encombrant. Le contexte socio politique est d’ailleurs critique pour la monarchie. Car en cette période de crise économique qui touche si durement l’Espagne (22,9% de chômeurs en décembre 2011 selon Eurostat) il est mal vu de détourner des fonds publics.
Le 24 décembre 2011, à l’occasion de ses vœux annuels, Juan Carlos Ier a rappelé que « lorsque se produisent des situations irrégulières, contraires à la loi et à l’éthique, il est normal que la société réagisse. Fort heureusement, nous vivons dans un État de droit, et toute situation censurable devra être jugée et sanctionnée conformément à la loi. La justice est la même pour tous. » Nous pouvons y voir là une discrète allusion aux ennuis juridiques que traverse l’époux de l’infante Cristina d’Espagne.
Par ces déclarations, le roi veut se positionner en homme honnête et franc. Ainsi, il annonce que désormais la famille royale publiera chaque année les comptes de ses dépenses, ce qui n’était pas obligatoire. Le décompte se trouve sur le site officiel de la Couronne.
Enfin, le samedi 25 février, Inaki Urdangarin s’est présenté au tribunal de Majorque (Baléares) pour être entendu par le juge d’instruction José Castro. Son attitude s’est voulue humble, dénuée de toute protection due à son rang. En effet, le tribunal avait exceptionnellement autorisé son arrivée en voiture devant la porte du palais de justice, mais l’ancien sportif a préféré se présenter seul, à pied, sous les huées des manifestants présents.
Il semble vouloir conserver l’image de bon père de famille, jeune, et sportif qu’il avait acquis auprès des Espagnols. « Je comparais aujourd’hui pour démontrer mon innocence, mon honneur, mon activité professionnelle », a-t-il déclaré, le visage grave et fermé. « Mon intention aujourd’hui est d’établir la vérité sur les faits ».
La suite de l’instruction judiciaire est cruciale pour son image personnelle, mais aussi et surtout pour celle de la famille royale, puisqu’il en fait partie. Ainsi, de nombreux sondages indiquent que depuis cette affaire la confiance de l’opinion publique en la royauté s’est affaiblie. Le dimanche 26 février, El Pais démontrait que 13% des Espagnols ont vu leur estime de la famille royale plombée par le scandale Noos (sondage Metroscopia).
La royauté a donc tout intérêt a mieux communiquer sur ce sujet sensible. Pour la première fois ils doivent mettre en place une communication de crise, mais leur stratégie n’est pas maîtrisée. Elle prête à confusion pour les Espagnols. En effet, la publication des dépenses sans explications préalables n’a aucun sens. Ils semblent reconnaître la culpabilité du duc, et vouloir ainsi se dédouaner de toutes accusations futures de fraude.
De même il est important pour le duc de Palma de préparer ses discours et ses apparitions, afin de ne pas mettre en cause son épouse (et donc la famille royale) dans ce procès.
L’affaire est donc à suivre avec attention.
Roselyne Zapata, correspondante Erasmus à l’Université Autonome de Barcelone