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Matteo Renzi, roi de la com’ ?

MRenzi

Matteo Renzi, premier ministre italien et publicitaire de profession, a été élu à la tête du gouvernement en 2013. Agé de quarante ans, l’ex-maire de Florence a réussi son pari, celui de refonder le parti démocratique sur un consensus et cela malgré les divisions internes. Mais un défi plus grand encore l’attend aujourd’hui : transformer un pays en crise et qui souffre d’un système politique peu enclin à la réforme tant sur le plan économique (la réforme sur la fiscalité) qu’administratif (réforme de la simplification administrative) et institutionnel. En effet l’Italie est une république démocratique décentralisée dotée d’un Parlement bi-caméraliste parfait : les deux chambres du parlement (la chambre haute et basse) disposent exactement des mêmes pouvoirs. Or cette constitution est source d’instabilité : soixante gouvernements se sont succédés en Italie depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, soit un par an en moyenne. Renzi souhaite engager une réforme du Sénat réduisant les pouvoirs de la chambre haute au profit de la chambre des députés (la chambre basse) afin d’améliorer la stabilité gouvernementale. Cela permettrait à la chambre basse d’adopter des lois sans le consentement obligatoire de la chambre haute, qui se verrait alors privée de sa capacité d’opposition dans l’adoption d’un projet de loi.

 Quelle a été la stratégie de Mattéo Renzi, pour s’imposer à la fois dans son parti comme référence afin de mener à bien la campagne des élections et prouver aux Italiens qu’il pouvait être un bon président du conseil ?

Retour sur une ascension

Le 13 septembre 2013, Matteo Renzi officialise à Vérone sa candidature aux primaires du Partito Democratico. Il entame un tour de l’Italie, utilisant une palette diversifiée d’instruments de communication et optant pour une stratégie narrative fondée sur la mise en scène de sa personne, notamment sur les réseaux sociaux. Dans ses discours, il développe trois objectifs :

1-      Le renouvellement de la direction du Partito Democratico. Il veut en finir avec les « apparatchiks » du PD (Parti Démocrate) à travers les élections primaires, d’ou son surnom : Il Rottamatore (« Le démolisseur »)(1)
2-      Un basculement idéologique, Matteo Renzi souhaitant se rapprocher des électeurs du  Movimento 5 Stelle  (Mouvement 5 étoiles) qui promeut l’écologisme et l’anti-partisme.
3-      Un fort leadership autour de la reprise d’un slogan proche du « Yes we can » de Barack Obama : « Adesso » (« Maintenant »)  (2)

M.Renzi a bien compris l’importance des primaires dans sa quête de leadership. Il utilise ces élections pour publiciser sa conception du Partito Democratico et l’imposer au sein du parti. Il construit une campagne à forte tonalité médiatique en construisant une image d’homme moderne et dynamique qui entend « faire bouger les choses » : dynamisme, énergie et mouvement deviennent ses leitmotivs. En gagnant les primaires, Renzi a réussi a faire valoir ses idées et à leur donner une légitimité en limitant les dissensions internes. Renzi, en menant parfaitement sa stratégie médiatique, a su capitaliser les approbations des membres de son parti. Ayant assis sa crédibilité aux yeux des membres du Partito Democratico, il affirme son leadership non seulement en interne mais aussi, d’après divers sondages d’opinion qui le donnent en tête,  aux yeux d’une partie de l’électorat italien.

Renzi, un bon communicant

Alors qu’en Italie, l’utilisation des médias traditionnels (en particulier la télévision)  a été pendant longtemps considérée comme la clef d’une campagne efficace, le premier ministre Italien utilise massivement les réseaux sociaux : Facebook, Instagram Twitter. Il est le premier homme politique ayant atteint ce niveau de responsabilité à investir l’espace ouvert par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il n’oublie cependant pas la télévision, qui bénéficie toujours d’une forte visibilité en Italie. Parfois exubérant, il n’hésite pas à s’afficher dans des émissions de talkshow, à poser en couverture du Vanity Fair (cf photographie) ou à se mettre en scène en coureur de marathon. Le président du Conseil, maître de la communication moderne, professionnel du « story-telling » et leader incontesté de son camp ? Du jamais vu pour la gauche italienne. Du jamais vu, aussi, du point de vue de son programme politique. Renzi veut aussi se donner une image de « réformateur » de l’Italie. Il annonce ainsi la simplification des procédures de licenciement, 18 milliards de baisse d’impôts, une ristourne fiscale de 80 euros par mois aux Italiens les plus modestes et une réforme de la RAI ainsi que la fin du bicamérisme. Il veut incarner la modernité quitte à se prendre des coups de la part de ce qu’il appelle la « vieille gauche ». Quand cette dernière l’accuse d’être un « Berlusconi en devenir », il la qualifie de « poussiéreuse ».

Matteo Renzi, le roi des promesses?

Matteo Renzi s’est donné mille jours pour « redresser » l’Italie (3). Il annonce alors qu’une réforme d’envergure par mois serait lancée et que cette promesse serait vérifiable sur un site Internet. « Pas à pas, mille jours pour changer l’Italie » est devenu son nouveau leitmotiv. Mais, à ce jour, seul le « Job Act », (4) sa réforme phare du marché du travail (embauches et licenciements plus faciles et contrat unique de travail à tutelle croissante liée à l’ancienneté), a été adopté. Utilisateur actif des réseaux sociaux et plus particulièrement de Twitter, il aimerait résumer son programme dans les 140 caractères qu’impose le dispositif ! A défaut,  il publie chaque jour des tweets sur son compte destiné à glorifier son action. L’apparition du hashtag  #labuonavolta (qu’on pourrait traduire par « cette fois, c’est la bonne ») résume son optimisme sans faille. Mais à trop vouloir afficher son dynamisme, la méthode Renzi comporte le risque de multiplier les promesses non tenues. Renzi, « roi des promesses » ? (5) C’est un surnom qui lui colle de plus en plus à la peau selon ses adversaires.
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En Italie on compte 18 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Comme dans d’autres pays européens, le pays connait une montée du parti d’extrême droite La Lega Nord qui surfe sur la vague de l’euroscepticisme (en accusant Renzi de se soumettre aux diktats de Bruxelles) et en jouant sur les peurs (accusant l’immigration et les tragédies de Lampedusa d’être le problème majeur de l’Italie). Renzi prend le risque de trop tirer sur la corde de l’espoir et de décevoir de nombreux Italiens. Alors que cela fait maintenant un an et demi qu’il est au pouvoir et malgré les efforts de rénovation de l’Italie sur le plan institutionnel (réforme du Sénat) une loi de flexibilité du travail (JobAct), une volonté de donner plus d’indépendance aux médias italiens et ainsi stopper l’intervention des forces politiques dans le service public (la réforme de la RAI (6)). Le chômage plafonne à 13,4%, les jeunes sans emplois sont au nombre de 44%, de plus la dette du pays est de 133,4% du PIB. Sachant que le chômage est la principale préoccupation des citoyens, on peut se demander jusqu’à quand pourra t-il se contenter d’asséner des promesses sans véritables résultats. Pour le savoir, les prochaines élections régionales et communales du 18 mai prochain permettront de jauger sa popularité et de connaitre la confiance que lui accorde encore les Italiens.
Justine Rouan
(1) http://www.lopinion.fr/18-fevrier-2015/matteo-renzi-demolisseur-en-attente-resultats-21484
(2) « Come si vincono le elezioni. Elementi di comunicazione politica » Roberto Grandi, Cristian Vaccari Ed.Carroci editore 2013
(3) Emission 28minutes sur ARTE sur : Renzi 1 an après son accession au pouvoir
(4) http://www.courrierinternational.com/article/2014/12/04/renzi-fait-adopter-une-reforme-du-travail-controversee
(5) http://www.courrierinternational.com/une/2014/10/20/les-promesses-de-renzi-paroles-paroles-paroles
(6) Emission de radio « L’instant M » : BBC, RAI, ERT : radio-télés publiques, 3 crises, 3 solutions
 
Sources :
http://www.lopinion.fr/18-fevrier-2015/matteo-renzi-demolisseur-en-attente-resultats-21484
http://www.courrierinternational.com/article/2014/12/04/renzi-fait-adopter-une-reforme-du-travail-controversee
http://www.courrierinternational.com/une/2014/10/20/les-promesses-de-renzi-paroles-paroles-paroles
« Come si vincono le elezioni. Elementi di comunicazione politica » Roberto Grandi, Cristian Vaccari Ed.Carroci editore 2013
Emission de radio « L’instant M » : BBC, RAI, ERT : radio-télés publiques, 3 crises, 3 solutions
Emission 28minutes sur ARTE sur : Renzi 1 an après son accession au pouvoir

 

 

 

 
 

Justine Rouan
Justine Rouan
Titulaire d'une Licence de lettres et de communication, Justine a intégré en septembre 2014 le Master de Communication Politique et Publique en France et en Europe, afin de devenir responsable de la communication au sein d'associations ou d'ONG culturelles ou environnementales.