Le 7 février 2012, l’équipe de François Bayrou boostait sa campagne web en lançant sur son site bayrou.fr, la plateforme des «Volontaires». Après des intitiatives du PS (lors des primaires) et des Verts (avec bingomox.fr), le candidat du MoDem transpose lui aussi l’idée de gamification dans le monde de la politique en France grâce à ce nouvel espace.
Tout d’abord, qu’est-ce que la gamification?
En un mot, la gamification vient de game (qui signifie «jeu» pour les moins anglophones d’entre nous…). En une courte définition, la gamification est l’utilisation des logiques de jeu-vidéo, dans un domaine d’activité pour le rendre ludique et attractif. Cette technique de communication par le jeu permet, grâce à la prise en main souvent simple d’un outil récréatif, de fidéliser l’utilisateur et d’obtenir son implication dans un projet à travers la réalisation de divers types de missions.
La gamification en politique
Depuis l’élection de Barack Obama en 2009, la toile s’est imposée comme un outil de communication indispensable, en sus de la présence dans les médias traditionnels, pour mener campagne. Internet permet aux candidats d’espérer atteindre l’ensemble de la population avec des ciblages plus ou moins précis selon les différents dispositifs et outils (site officiel, réseaux sociaux, forums…). Avec la gamification, les politiques disposent d’un nouvel outil pour dynamiser leur campagne web. Cette forme de communication par le jeu vise à toucher les militants mais aussi les sympathisants afin de les encourager à participer à la campagne.
« Une nouvelle mission vous attend sur bayrou.fr »
Si l’information – la couverture de la campagne en direct – et le dialogue avec les électeurs – notamment à travers les réseaux sociaux – constituent les deux premiers axes de la stratégie web de campagne du candidat centriste, l’espace « gamifié », ouvert il y a un mois, de son site de campagne intitulé les « Volontaires » s’inscrit dans le troisième axe. Cette plateforme a pour objectif d’encourager les gens à participer en même temps qu’elle constitue excellent moyen pour l’équipe de campagne de se constituer, au passage, un important fichier de contacts.
L’objectif de la plateforme
L’objectif de l’espace des « Volontaires » est de toucher les sympathisants (les non adhérents qui souhaitent contribuer sans s’encarter…) pour les faire participer à des actions « militantes » sur le web, de façon ludique. Ensuite, ces « sympathisants-gamers » devraient agir sur le terrain et non plus seulement en ligne.
Le but de la plateforme est aussi de «faire du bruit» (expression Made In France de Bayrou pour ne pas dire «buzz»…) afin d’augmenter le nombre de sympathisants. En effet, grâce à ce ramdam, et en utilisant au maximum le côté amplificateur du web, un second cercle (des proches de ces «sympathisants-gamers») pourrait être touché par la campagne de François Bayrou, ses propositions…
Par ce moyen, l’équipe de campagne du candidat MoDem fidélise ses électeurs dans un premier temps, et touche une cible large et différente des médias traditionnels. Sans pour autant négliger ces derniers, la plateforme permet de diffuser (ou plus précisément de faire diffuser par les Volontaires) des informations, des propositions… Ne faisant pas forcément la une de l’agenda médiatique (occupée par les candidats des deux grands partis), François Bayrou investit le web pour faire passer ses messages.
Gagner des décibels, pour « Faire entendre sa voix »
Tous les jours, le «sympathisant-gamer» reçoit un mail qui lui signale les missions qu’il doit effectuer. La liste des missions n’est pas figée (les volontaires peuvent en proposer) et va du don, à la distribution de tracts, en passant par le partage de vidéos et de propositions. En réalisant ces missions, le volontaire marque des points (les fameux décibels) et, plus il a de points, plus il a de chance de gagner des badges qui récompensent son comportement de « bon militant du web ».
On ne peut pas plaire à tout le monde…
L’initiative novatrice de l’équipe de campagne de François Bayrou peut être critiquée sur quelques points.
D’abord, aucun système ne contrôle si les actions sont bel et bien réalisées. En déclarant qu’il fait des actions, un internaute peut gagner des décibels alors qu’il n’a rien fait, le MoDem fait confiance aux affirmations de ses «sympathisants-gamers». Ensuite, le jeu n’apparait pas assez compliqué. Il suffit en effet de faire ce qui est demandé pour gagner des décibels. Cela ne s’apparente pas vraiment à la définition de jeu, il s’agit plus d’une « pointification ». La plateforme peut alors vite perdre son côté « fun » et lasser les «sympathisants-gamers», ce qui est dommage.
Il faudrait apporter plus de sens aux actions proposées et ne pas agir seulement pour gagner des points… De plus, ce système peut paraître presque scolaire (l’utilisateur reçoit un bon point ou une bonne note parce qu’il a bien agi…), ce qui empêche une réelle autonomie dans le jeu.
Un mois après…
La plateforme des volontaires est en marche, et de nouvelles missions apparaissent tous les jours. Si de nombreux volontaires se sont arrêtés d’agir (ils continuent quand même à recevoir les missions par mail), la majeure partie des «sympathisants-gamers» continue de faire du bruit sur le web en réalisant tous les jours leurs différentes missions.
Si cette initiative peut être critiquable, elle permet néanmoins de confirmer François Bayrou (qui utilise lui même son compte twitter @bayrou) comme le candidat «geek» de cette campagne présidentielle. Le candidat centriste, qui dénonçait déjà en 2007 l’enfermement du prisme médiatique sur les deux principaux candidats, tente ainsi de contourner l’agenda médiatique où il semble dur de se faire une place. Il utilise à fond les opportunités du web pour faire sa campagne et ainsi faire entendre sa voix. La gamification de son site permet de mobiliser et de fédérer ses sympathisants (grâce par exemple à la «Salle de Debrief», sorte de « chat » qui permet une réelle interaction). Cela accentue sa présence sur la toile grâce aux nombreuses actions réalisées. Dans les enquêtes d’opinions, cela ne semble pas faire de différence, mais les Volontaires continuent d’y croire : des «sympathisant-gamers» unis, rien ne leur résiste ?