Ce nom rappelle vaguement quelque chose à certains, un moment particulier de la vie politique française pour d’autres. Si je rajoute le mot « Directive » les choses s’éclaircissent et la lumière apparaît.
L’échec de la constitution européenne, le Non des français, la fin du Ministère Raffarin et la fameuse euro-soundbytes « When the yes needs the no…. » reviennent dans les esprits de manière instantanée.
Quelques souvenirs refont surface, les enjeux politiques en France étaient multiples en 2005, il restait deux ans de mandat à Jacques Chirac, la campagne présidentielle n’avait officiellement pas commencée mais le vote de la Constitution Européenne était un rendez-vous politique très important et certains politiciens allaient essayer de se placer avant la grande échéance de 2007.
Le camp du non rassemblait des personnes d’opinions très différentes de Fabius à De Villiers en passant par Mélenchon. Cette constitution suscitait des débats internes chez les deux grands partis politiques français notamment à gauche avec le camp Fabius-Emmanuelli qui s’écartaient des directive du PS. Malgré tout, le oui était partagé dans l’ensemble et même défendu dans les débats télévisés de l’époque.
Les opposants à la constitution ont utilisés la Directive Bolkenstein comme un épouvantail: Philipe De Villiers a associé cette directive à l’image du « plombier polonais » menaçant l’emploi et les conditions sociales des français.
Mais qui était Bolkenstein et que proposait sa directive?
Fritz Bolkenstein, homme politique néerlandais membre du parti populaire et libéral n’était déjà plus Commissaire chargé des questions du Marché Intérieur à la fiscalité et à l’Union douanière à l’aube du vote de la Constitution Européenne. Son mandat de 1999 à 2004 fut marqué par la mise en place d’une Directive Service qui a été incluse dans le projet de constitution.
Cette Directive proposait une libéralisation des services du marché européen, à l’image des capitaux et des hommes. Ce projet entendait réduire les formalités administratives entre Etats membres, ainsi un peintre en bâtiments vivant à Paris pouvait proposer ses services à Varsovie. Autre exemple, celui d’un notaire vivant à Berlin qui pouvait réaliser des transactions de vente immobilière à Milan.
Cette Directive fut critiquée sous son aspect libéral ; la crainte d’un « dumping social » était l’argument des nombreux opposants en Europe et notamment en France.
Malgré l’échec de la Constitution, la Directive fut maintenue après quelques séances d’exorcisme parlementaire ou plutôt d’amendements modifiant sa nature. Elle a été adoptée par le Conseil Européen le 24 juillet 2006 et par le Parlement Européen le 15 novembre 2006. Cette Directive entra en vigueur dans une certaine discrétion, contrairement aux attentes suite au fracas médiatique du « non » des Français à la Constitution.
Un séisme européen qui fut l’un des rares échecs politique partagé par François Hollande et Nicolas Sarkozy chefs de leurs partis respectifs ; un non français qui avait dépassé la logique partisane PS-UMP.
Bolkenstein retomba dans un certain anonymat, aussi vite qu’il avait été rendu célèbre par les médias, dans une période décisive quant à l’avenir de la construction européenne.
Ce personnage politique européen correspondait dans l’opinion des français à un imaginaire européen, une vison libérale du marché commun qui n’a pas été acceptée dans une période de difficultés politiques d’un gouvernement Raffarin déjà remanié et fragilisé par la victoire de la gauche aux régionales de 2004. Le vote sanction a coïncidé avec la montée d’un souverainisme nouveau en France qui dépassait les clichés d’une extrême gauche et d’une droite anti Maastricht, et qui était marqué par la crainte d’une Europe injuste.
Cette crainte à fait naitre un fantôme dans l’opinion publique, un spectre éphémère qui rentra malgré lui dans l’histoire des débats européens.
Vu comme un symbole de l’échec d’une Europe libérale, Fritz Bolkenstein reflète malgré lui une période de communication voire de tentative de pédagogie européenne. L’Europe est devenue plus que jamais un sujet de conversation pour les français. Certains dans l’opinion publique française découvraient ce qu’était une directive ou ce qu’était un Commissaire européen.
Voilà l’histoire de l’incursion manquée de l’Europe comme sujet de débat pour les européens, l’histoire de l’ombre d’un homme politique hollandais qui est devenu un sujet de préoccupation sans que personne ne puisse le reconnaître ni l’entendre. Un fantôme politique qui hante encore l’Europe aujourd’hui dans ses stratégies de communication.
En bonus, je vous propose une archive intéressante qui montre que la Directive Bolkenstein a été utilisée par des bords politiques différents.