Le discours de Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) fonctionne autour d’un argument en particulier : il est un candidat-salarié. Son expérience à l’usine Ford de Blanquefort (33) lui donne donc sa légitimité à se présenter à l’élection présidentielle. Son constat : le système politique français est fondé sur une élite. Alors, jusqu’à quel point l’argument de Poutou est populiste ? Dans quelle mesure son argument est un outil de communication ?
Philippe Poutou a 44 ans, il n’a aucun diplôme, il travaille à l’usine, son père était facteur (comme Besancenot ?), sa mère sans emploi. Tous les éléments sont là pour un storytelling. Je ne suis pas un professionnel de la politique. Je suis un ouvrier. Puisque je n’ai aucun intérêt dans ce système politique. Je peux me présenter et je suis légitime pour représenter les travailleurs.
Poutou attaque Jean Luc Mélenchon sur son appartenance au monde politique. Le candidat du Front de Gauche est un professionnel de la politique : il a été conseiller général de l’Essonne, sénateur de l’Essonne, ministre délégué à l’enseignement professionnel sous Jospin. Bref, pour Poutou, Mélenchon est aussi le représentant de cette France des élites. Et c’est bien sur ce point que l’on peut différencier les deux candidats. Leur conception du pouvoir est bien différente. L’un connaît les rouages du système et veut le changer par une révolution dans les urnes. Alors que l’autre ne veut pas être élu et veut renverser le système. Nathalie Arthaud, un autre candidate-salariée, évoque souvent Mai 1968 pour marquer les esprits. Elle déclare « Il faut un nouveau mai 68. »
Le populisme, c’est reprendre à son compte l’espérance du peuple et en faire un argument de campagne. Mélenchon dit dans une interview « J’en appelle à l’énergie du plus grand nombre contre la suffisance des privilégiés. Populiste, moi ? J’assume ! » Le populiste plait à la masse en répondant à ses attentes. Alors c’est bien une forme de populisme que de dire : Je ne suis pas le candidat d’un système. Mélenchon assume son populisme, il prône aussi régulièrement les valeurs républicaines, alors que Poutou lui ne se dit pas républicain. On peut se demander : pourquoi se présenter au suffrage universel ? Le discours de Poutou est fondé sur la remise en cause des élites. Certes, il y a une crise de la représentation ; les Français ne croient plus en leurs responsables politiques. Mais on peut penser qu’il est nécessaire d’avoir une professionnalisation du métier de politique. Connaître les rouages du système pour le faire évoluer.
L’argumentation de Poutou est dans la lignée des idées du NPA, anciennement LCR. Son ancien leader Olivier Besancenot explique « La politique ne doit pas être un métier ». Il propose donc d’aligner le salaire des élus sur celui du salaire moyen français (2000€). Pour lui, « Tant qu’elle sera un métier pour trop de candidats, tout sera biaisé parce que le but du jeu, c’est d’être élu et continuer à en vivre. »
L’argument est compréhensible. Il est surtout très parlant dans une société touchée par la crise.
Cela participe tout de même de la croyance. L’argument du candidat-salarié laisserait penser que sa seule origine sociale ou son statut socio-professionnel conduirait nécessairement les travailleurs, les ouvriers à porter leurs voix sur son nom. Or, Poutou est conscient de ne jamais être élu Président de la République.
On ne peut faire évoluer un système en pilonnant ses acteurs. Vouloir encadrer le travail des élus, oui. Mais sa professionnalisation permet de garantir le fonctionnement de notre démocratie.
Maxime Boitieux