Il est 20h45 à Gdansk. Le coup d’envoi du quart de finale du championnat d’Europe des nations va être donné. Le match opposera la Grèce à l’Allemagne. David contre le géant Goliath de l’Union Européenne, plus qu’une simple rencontre de football, c’est la politique qui domine le match.
Depuis la fin de l’année 2009, la Grèce est enlisée dans une crise financière et profonde. Après l’abaissement de la note financière de la dette grecque par Fitch Ratings puis Standard & Poor’s et des multiples plans de secours de l’Union Européenne, la Grèce est toujours dans une situation critique. Quant à l’Allemagne, première puissance économique européenne, elle tente, en venant en aide à la Grèce, de sauver l’Euro. Cependant, alors que le climat social Grec empire de jour en jour, l’Allemagne, par sa position prédominante, s’obstine à vouloir instaurer des plans de rigueur. De ce fait, les relations entre les deux pays ne cessent de se détériorer. La Grèce accusant Berlin de paupériser ses citoyens et l’Allemagne reprochant à Athènes d’être un poids pour l’Euro. Les rapports vont même s’exacerber jusqu’à créer une véritable animosité entre les deux peuples.
Ce match reflète dès lors plus qu’une simple compétition sportive. Il correspond à la manifestation du bras de fer germano-grec. Alors que l’Allemagne est de nouveau du côté des favoris, il est l’occasion pour la Grèce de laver les affronts germaniques. «Fainéants», «corrompus», «bordéliques», autant de qualificatifs contre lesquels les Hellènes souhaitent riposter pour prouver le contraire. Ce match est surtout l’occasion pour les Grecs de relever leur honneur et d’écarter l’arrogance et l’image de supériorité allemande sur un terrain de football.
Avant même le début de la rencontre les médias allemands proclamaient la symbolique de l’affrontement. Le quotidien Tagesspiegel écrivait «ça devient politique !». Le Frankfurter Rundschau allait même plus loin, pour eux «ce qui est en jeu dans ces quarts de finale, c’est de savoir qui a droit à sa place au sein de la zone Euro», on verra s’affronter «les soldats de la zone euro» . Réciproquement du côté grec c’est une guerre qui va se jouer. Pour le journal Kathimerini «quiconque ne verra qu’un jeu dans le match d’aujourd’hui se trompe». Pour de nombreux Grecs, une victoire représentera le triomphe des faibles contre la richesse, la force et l’arrogance des puissants. La victime humilierait son bourreau. Si les Allemands gagnent, ils verront cela comme la confirmation de leur zèle, de leur stratégie, de leur talent et de leur esprit d’épargne» conclut-il. Le quotidien sportif Sport Day y allait également de sa métaphore en titrant «Ruinez-LES». La victoire de l’Allemagne n’a fait qu’accentuer les sarcasmes de la presse allemande. Le Tagesspiegel, titrait ainsi «L’Allemagne sort la Grèce de l’Euro».
Dans cette opposition la chancelière enfile le costume de Xerxès pour s’opposer aux Grecs. Le Tagesspiegel affirme même que «pour beaucoup de Grecs, le match ne va pas se jouer contre l’Allemagne de Joachim Löw mais contre celle d’Angela Merkel». La chancelière que l’on aura vu vibrer lors de la coupe du monde 2000 en Afrique du Sud, n’aurait manqué ce match pour rien au monde. Elle a même fait avancer le sommet «anti-crise» du 22 juin entre les quatre plus grosses économies de la zone euro (Espagne, Italie, France et Allemagne) plus tôt dans la journée pour pouvoir se rendre à Gdansk. Le magazine Der Spiegel s’amuse même sur la «double personnalité» de la chancelière, entre des discours rébarbatifs aux Bundestag et des explosions de joie communicatives lors des rencontres de la Mannschaft, «ce qui fait que même ses adversaires politiques se mettent à bien l’aimer pendant un moment». Bild ironise depuis l’annonce de la présence de la chancelière en disant que «les Grecs s’entraînent à tirer dans les tribunes».
Le sport comme symbole d’un antagonisme politique n’est pas une première. Notamment pour l’Allemagne qui au mondial de football 1954 a réalisé l’exploit de battre la Hongrie en finale et marqué ainsi son retour sur la scène internationale. Vingt ans après c’est les deux Allemagnes qui s’affrontent et l’on peut voir la RDA, inférieure au niveau géopolitique, l’emporter sur l’Ouest.
L’Allemagne finit sans surprise par remporter le match contre la Grèce. Mais au lieu de conserver l’image de cette rencontre comme la preuve de la déchéance grecque et de la supériorité d’une nation sur une autre. Mieux vaut se rappeler le match de l’Iran contre les Etats-Unis à la coupe du monde 1998 où les 22 joueurs ont posé sur la même photo. Car bien qu’à haute force symbolique, ce match doit surtout être la communion des nations à travers le sport.
Mickaël Dieppois, étudiant erasmus à Berlin