L’intitulé d’un événement en communication publique revêt une importance capitale car l’événement considéré doit recevoir l’affluence maximale du public cible. Ainsi, l’événement doit être aisément identifiable et se démarquer d’autres événements susceptibles de lui faire concurrence, et ce en ayant une dénomination suffisamment attrayante.
Le nom doit prendre en compte toutes les facettes de l’événement et être en cohérence avec les pratiques des participants. Il est donc important de mener une réflexion poussée de son choix car il peut déterminer le type de pratiques qui pourront être observées lors de son déroulement.
Le nom doit donc être pérenne et en cohérence avec l’événement pour que le public et les organisateurs se reconnaissent dans l’événement en question. C’est ici une question d’identité car, au-delà de l’identité de l’événement devant être reconnue par tous, il faut que les participants et les organisateurs aient le sentiment d’appartenir à l’événement, afin qu’ils aient envie de le relayer. Ainsi, si l’événement n’est pas suffisamment signifiant dans sa dénomination, il est envisageable qu’il s’essouffle.
Ainsi, il est parfois nécessaire que le nom évolue. Prenons l’exemple de « La Fête de Cournouaille », événement culturel organisé par la ville de Quimper qui réunissait en 1947 environ 200 participants. Au fil des années, le public, à l’origine essentiellement régional, est devenu national. De plus, la programmation de l’événement davantage tournée vers l’international a incité la ville de Quimper à moderniser le nom de l’événement en devenant « Le Festival de Cournouaille » en 1982. Ici, le terme « festival » sous-entend une organisation beaucoup plus complexe et de plus grande ampleur que la « fête ».
La dénomination est donc une tâche essentielle et s’avère indispensable en communication publique. En effet, les événements revêtent un caractère politique, complexifiant alors parfois la mise en œuvre. En communication publique événementielle, il est donc essentiel de garder à l’esprit la raison d’être de l’événement pour éviter toute potentielle récupération politique.
Les difficultés évoquées plus haut sont autant de problématiques auxquelles nous avons été confrontées lors de notre projet tutoré pour le Conseil général du Val-de-Marne (94). Notre projet tutoré, commandité par la Direction de la communication et la Direction de l’action sociale du Conseil général du Val-de-Marne, consistait en l’analyse de la perception de la communication de la Fête des Solidarités par les acteurs. Dès lors, l’enquête qualitative que nous avons menée auprès d’une vingtaine d’acteurs nous a permis d’amorcer une réflexion sur l’importance de la dénomination d’un événement en communication publique et des enjeux qui en dépendent. Ces recherches ont été déterminantes pour étayer notre analyse de la Fête des Solidarités car il est ressorti de nos entretiens que l’image floue de la fête était notamment due à la dénomination vague et peu signifiante de l’événement.
D’abord intitulée la « Fête des droits sociaux et de la solidarité », la Fête des Solidarités, initiative emblématique du département, a été initiée en 1986, peu de temps après les lois de décentralisation qui ont transféré l’action sociale aux départements, et se déroule tous les ans à l’approche de Noël. Cette fête était l’occasion de distribuer des paniers repas aux personnes qui s’étaient inscrites auparavant. Depuis, les paniers repas ont été supprimés et dorénavant, la Fête des Solidarités se caractérise par deux initiatives distinctes : une aide financière (chèque solidarité) envoyée au domicile des personnes en difficulté, et un événement festif. Cette fête est donc l’occasion, pour le Conseil général, de prendre la parole sur les valeurs de la solidarité et de l’entraide, dans une ambiance conviviale et festive dans 31 lieux du Val-de-Marne.
Trois acteurs majeurs assurent une bonne organisation de la Fête des Solidarités aux côtés du Conseil général qui s’appuie beaucoup sur ces relais d’information. Tout d’abord, le tissu associatif local permet un véritable maillage du territoire départemental. Ensuite, les communes (mairies) s’impliquent essentiellement sur la logistique de l’événement et enfin, les 650 agents départementaux volontaires gérant la fête sur chaque lieu.
De l’ensemble de nos entretiens, nous avons tiré un résultat majeur qui a structuré tout notre travail : l’insuffisante compréhension de l’identité de la Fête des Solidarités de la part des acteurs entrainait une diffusion contrastée des outils de communication. En effet, de nombreux acteurs sont perdus concernant l’image et l’identité de la fête et ignorent si cette fête est destinée uniquement aux personnes en difficulté ou à l’ensemble des habitants. De plus, la perception de la Fête des Solidarités est extrêmement variable et cet événement est désormais appréhendé comme essentiellement festif et dépossédé de son caractère solidaire.
Ainsi, l’image floue et la perception différente de la Fête des Solidarités selon les acteurs et les publics considérés influence la diffusion des outils de communication. Elles engendrent deux comportements distincts des agents départementaux en termes de diffusion des outils. D’une part, les agents départementaux percevant cette fête comme destinée aux personnes en difficulté ne diffusent pas les outils de communication auprès des agents communaux, des petits commerçants, voire des associations ; en conséquence, les habitants des communes ne sont pas informés de la tenue de la Fête des Solidarités. D’autre part, les agents appréhendant la Fête des Solidarités comme dédiée à tous cherchent à diffuser les outils de communication départementale auprès d’une cible plus large (petits commerçants, marchés, etc.) pour intéresser tous les habitants.
Ainsi, de ce constat relatif à la complexité de l’image de la Fête des Solidarités, nous avons estimé que l’objectif du Conseil général était de se réapproprier l’événement. Pour ce faire, il était essentiel que le département définisse clairement ce qu’est la Fête des Solidarités aujourd’hui. En effet, la fête existant depuis 25 ans, elle a évolué et n’est plus aussi bien comprise par les acteurs, et est davantage perçue comme un événement festif que solidaire. Pour remédier à cette ambiguïté, nous avons vivement recommandé une redéfinition des publics de la fête, en insistant sur le fait que l’événement devrait désormais être destiné à tous et non plus seulement aux personnes en difficulté.
Dans la perspective de clarifier les destinataires de cette Fête, nous avons aussi envisagé un changement d’identité visuelle et de nom. Concernant l’identité visuelle, nous avons proposé une modernisation du logo en vue de le rendre plus dynamique et en accord avec le message de l’événement pour pérenniser cette identité visuelle à l’échelle départementale. L’amélioration graphique de l’identité visuelle est légère pour ne heurter ni les habitants ni les acteurs ; et permettre une appropriation rapide de ces récepteurs de la communication.
Quant au changement de dénomination de l’événement, nous avons proposé d’abandonner le nom « Fête des Solidarités » au profit de « LES SOLIDARITES EN FETE ». Cette modification lexicale est l’opportunité de placer le terme « solidarités » au cœur du nouveau nom et de l’événement. En effet, notre parti-pris était de donner un second souffle à la fête tout en conservant les « solidarités » comme moteur de cette initiative du Conseil général. Avec cette modification lexicale, le caractère multi festif de l’événement est pris en considération (car la fête se tient sur 31 lieux du Val-de-Marne) et toutes les richesses et pratiques de chaque lieu sont valorisées.
Julie Ageron, Manuel Thenard