À l’heure où les fake news prolifèrent et où l’IA générative s’invite dans les copies d’examen, former les étudiants à la maîtrise de l’information devient plus que jamais essentiel. Mais encore faut-il que les enseignants y soient sensibilisés, que les dispositifs de formation soient lisibles, et que les bibliothèques universitaires disposent des bons outils pour se faire entendre. C’est là tout l’enjeu de notre projet tutoré.
La maîtrise de l’information, une mission du département Diffusion des connaissances et documentation
Commandé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ce projet tutoré s’inscrit dans le cadre des missions du département Diffusion des connaissances et documentation (DICODOC). Ce service contribue à définir des politiques nationales en matière d’information scientifique et de documentation. Depuis plusieurs années, il accorde une attention croissante à un enjeu stratégique : le développement des compétences informationnelles (CI) dans l’enseignement supérieur. Celles-ci sont définies comme la capacité à « déterminer les sources pertinentes, les interroger, récupérer l’information et savoir l’évaluer » (ADBU, 2012). Dans ce cadre, le ministère souhaite doter les Services Communs de Documentation (SCD) d’outils concrets de communication leur permettant de sensibiliser efficacement les enseignants-chercheurs, tout en contribuant à faire des étudiants de demain des citoyens éclairés, capables de discernement face à la surabondance d’informations et aux dérives informationnelles.
Dans le cadre universitaire, ces compétences conditionnent la capacité des étudiants à produire des travaux rigoureux, à éviter le plagiat ou encore à exercer un regard critique sur les sources mobilisées. Pourtant, si les SCD proposent déjà de nombreuses formations sur ces questions, celles-ci restent souvent peu visibles, mal identifiées par les enseignants et intégrées de manière inégale dans les maquettes pédagogiques.
Pour répondre à cette problématique, notre mission s’est structurée en deux volets. Le premier axe consistait à analyser la manière dont les SCD présentent aujourd’hui leur offre de formation, à travers un échantillon d’universités, une analyse des supports de communication et des entretiens qualitatifs. Le second axe visait à construire une boîte à outils communicationnelle destinée à renforcer la visibilité des compétences informationnelles auprès des enseignants-chercheurs et améliorer la coopération avec les SCD.
Le coeur de notre travail : comprendre les dynamiques et donner la parole à ceux qui doivent être écoutés
Pour répondre à notre commande, nous avons tout d’abord mené une phase d’audit visant à identifier les dispositifs de communication mis en place par les SCD à destination des enseignants-chercheurs. Cette étape constitue le premier axe de notre travail.
Nous avons dans un premier temps sélectionné un panel d’universités selon divers critères, de manière à constituer un échantillon représentatif et contrasté. Celui-ci comprenait notamment des établissements de tailles différentes, certains intégrant les compétences informationnelles dans leurs maquettes pédagogiques, d’autres non. Cette sélection nous a permis d’étudier les moyens déployés pour communiquer avec les enseignants-chercheurs, tout en analysant le vocabulaire utilisé pour désigner les compétences informationnelles.

Parallèlement, nous avons sollicité des bibliothécaires et des enseignants-chercheurs issus de ces universités afin d’échanger avec eux sur les tensions identifiées et de confronter nos premières hypothèses. Ces entretiens ont permis de dépasser le cadre strictement théorique pour explorer des retours d’expérience concrets et des besoins spécifiques. Cette phase s’est articulée autour de l’audition, de la retranscription puis de l’analyse des propos recueillis.
L’exploitation de ces entretiens a fourni des données précieuses pour l’élaboration de notre stratégie de communication. Bien que les échanges aient fait émerger de nombreux éléments, nous avons dû opérer une sélection des plus pertinents. Celle-ci a été guidée par les thématiques abordées dans nos guides d’entretien. Toutefois, certains sujets, initialement non envisagés, sont revenus de manière récurrente au fil des échanges. Nous avons alors ajusté nos guides d’entretien pour approfondir ces nouvelles dimensions, et pris soin d’en tenir compte dans la conception finale de notre stratégie.

En définitive, six thèmes principaux ont été retenus : l’intérêt des compétences informationnelles pour les interlocuteurs, les inégalités de déploiement des formations aux compétences informationnelles selon les filières, niveaux et universités, la divergence lexicale, les obstacles liés aux ressources et aux interactions, les facteurs facilitant la mise en œuvre des formations, ainsi que la nécessité d’intégrer l’intelligence artificielle dans les cursus étudiants.
Une fois les témoignages recueillis, nous nous sommes interrogés sur la manière de valoriser tous les leviers d’action relevés. Nous avons dû élaborer une stratégie en tenant compte d’une multitude de limites, comme la facilité de déploiement de nos idées, leurs assimilations par les émetteurs et les cibles, le coût financier ou encore la nécessité de sortir d’une solution imposée verticalement, en apportant un cadre structurant favorisant une autonomie partielle des cibles.
D’un brainstorming à la création d’une boîte à outil communicationnelle
Au terme des entretiens et de notre veille documentaire, nous avons conçu plusieurs supports de communication visant à renforcer la visibilité et l’appropriation des compétences informationnelles dans l’enseignement supérieur. Ce deuxième volet, réflexif et créatif, a dû répondre à un critère précis : les propositions établies doivent être applicables en tous lieux, selon les niveaux universitaires et les domaines disciplinaires. Par conséquent, nous avons envisagé plusieurs dispositifs rassemblés sous la forme d’un « kit » dans lequel les SCD pourraient piocher les éléments pertinents à déployer en fonction des besoins propres de l’université concernée. Pensés comme des outils concrets, adaptables et directement mobilisables par les équipes pédagogiques, ces supports répondent aux besoins exprimés sur le terrain.
Premièrement, une campagne d’affichage au format A3 a été pensée pour interpeller dans les espaces de circulation universitaire. Deux séries ont été proposées : l’une, humoristique, s’inspire des « perles du bac » pour sensibiliser à la fiabilité des sources ; l’autre aborde la question de l’intelligence artificielle générative, sujet d’inquiétude croissante chez les enseignants. Dans les deux cas, les affiches valorisent le rôle des professionnels de l’information-documentation.
Nous avons également conçu InFOS, une newsletter modulaire destinée aux directions pédagogiques. Ce support centralise les actualités liées aux CI, valorise les ressources existantes et facilite l’accès aux formations, tout en restant lisible, souple et personnalisable selon les établissements.
Puis, pour un contact plus direct avec les enseignants, nous avons élaboré un dépliant pédagogique. Sa couverture met en avant les bénéfices concrets des CI pour la réussite académique. À l’intérieur, une définition rigoureuse des CI fait face à un espace vierge, à compléter par les bibliothécaires selon leur offre. Ce format papier, en réponse directe au rejet d’une communication exclusivement numérique, est pensé pour les moments-clés de l’année universitaire (rentrée, journées d’accueil, etc.).
Enfin, nous avons proposé de faire de la Journée internationale de l’accès universel à l’information, corrélée à celle de l’ONU, un temps fort annuel dans les universités. Organisée dans les halls avec des stands tenus par les SCD et des professeurs ambassadeurs, cette journée favoriserait la rencontre et la mise en place de modules pédagogiques intégrant les CI.
Malgré l’enthousiasme suscité par ces propositions, plusieurs limites ont freiné leur expérimentation : un temps contraint, un échantillon d’enquête restreint et l’impossibilité de tester les supports auprès des enseignants-chercheurs. Ces obstacles n’ont toutefois pas empêché un travail de co-construction nourri par les retours de terrain.
Une expérience unique et challengeante
En conclusion, ce projet tutoré nous a offert une opportunité enrichissante de découvrir et d’analyser les compétences informationnelles, un domaine jusqu’alors méconnu pour nous. À la suite de notre présentation, le ministère s’est montré particulièrement réceptif à nos propositions et envisage d’intégrer plusieurs de nos outils à ses futures recommandations. Cette reconnaissance institutionnelle constitue pour nous une réelle fierté. Nous tenons à remercier chaleureusement nos commanditaires pour leur disponibilité constante et pour nous avoir confié un projet à la fois ambitieux et formateur. Leur confiance nous a permis de progresser significativement. Nous adressons également nos sincères remerciements à Mme Granger, notre tutrice, pour ses conseils avisés tout au long de cette expérience, qui ont grandement contribué à la qualité de notre travail.
CIGAR Oréna, KAROURI Ahmed, KELLER Mathis, SZCZESNOWSKI Matthieu, Master 1 Communication politique et publique – promotion 2024-2025