Scandales et frictions : l’emploi des controverses politiques par Robert Ménard

« Ce n’est pas une provocation, c’est de l’humour ». En 2017 après une énième campagne d’affichage choc au sein de la ville de Béziers dans l’Hérault qui fit polémique à un niveau national, c’est la phrase de justification du maire Robert Ménard qui est alors habitué aux polémiques et scandales concernant ses remarques et campagnes de communication. Depuis 2014, année de son élection, Robert Ménard a décidé de baser une partie de sa communication politique sur une stratégie de controverse : utiliser des thématiques très débattues dans l’espace public, leur appliquer un point de vue provocateur et laisser les journalistes et les réseaux sociaux faire leur effet. Dans cet article nous allons nous demander de quelle façon Robert Ménard intègre-t-il les controverses politiques dans sa stratégie de communication territoriale?

 

Une communication provocatrice au service de la visibilité médiatique

L’une des principales stratégies de communication de Robert Ménard repose sur des campagnes d’affichage municipales provocatrices. Ces campagnes se distinguent par l’utilisation d’images choquantes et de slogans polémiques, conçus pour susciter des réactions fortes au sein de l’espace public et médiatique. Les thèmes abordés touchent souvent des sujets sensibles tels que l’immigration, la sécurité, ou l’identité nationale. Par exemple, en 2016, une affiche montrant un afflux de migrants avec le slogan « Ils arrivent »1 avait suscité un tollé national en raison du caractère xénophobe de cette dernière. Néanmoins, Robert Ménard avait réussi son pari : obtenir une couverture médiatique nationale. Cette approche, bien que critiquée pour son manque d’éthique et son potentiel à accroître certaines tensions sociales, s’avère très efficace pour placer Béziers au cœur de l’actualité nationale. Ainsi, on constate que chaque nouvelle campagne d’affichage est toujours commentée par les médias, transformant ainsi une simple communication municipale en un événement médiatique national. Par exemple, le journal mural municipal L’Appel, conçu sous l’impulsion de la mairie de Béziers, reflète les orientations politiques de l’équipe dirigée par Robert Ménard. Si cet outil se présente comme un vecteur d’information locale, il est régulièrement accusé de détourner des faits divers ou des actualités pour renforcer des messages politiques. L’Appel, à travers ses thématiques, contribue à alimenter les débats locaux tout en polarisant l’opinion. Bien que cet outil de communication soit présenté comme un moyen pour la mairie de dialoguer directement avec ses habitants, son rôle et son contenu soulèvent des préoccupations. L’accusation de détournement de l’actualité des faits divers ou des événements sont manipulés pour renforcer des messages politiques spécifiques, pourrait mettre en lumière une forme de censure implicite ou de contrôle sur l’information. Ce choix de narration peut être une réponse à des opposants reflétant la volonté de la mairie de maintenir un contrôle direct sur l’agenda local et les discussions publiques. Les critiques estiment que ce journal manque de pluralité, ce qui interroge sur la liberté de la presse locale.

En plus des campagnes d’affichage, la stratégie de Robert Ménard s’appuie sur une multiplication des polémiques à travers des déclarations provocatrices et la mise en place de mesures municipales jugées controversées. Ces prises de position, souvent aux limites de la légalité, génèrent de manière systématique des réactions indignées de la part de ses opposants politiques et des associations de défense des droits humains. Chaque controverse est l’occasion pour Robert Ménard d’occuper l’espace médiatique, de réaffirmer ses positions politiques et de se présenter comme le défenseur des valeurs dites conservatrices. Parallèlement à ces déclarations, le maire de Béziers met en œuvre des mesures municipales controversées. De l’installation de crèches de Noël dans les mairies malgré la loi sur la laïcité2 à l’armement de la police municipale3 en passant par l’instauration de couvre-feux pour les mineurs4 et le refus d’un mariage d’un couple franco-algérien5 en raison d’une OQTF6 émis à l’encontre du futur marié, chaque décision est conçue pour provoquer un débat national. Ces mesures, souvent contestées, permettent à Béziers de rester sous les feux des projecteurs.

Si la stratégie s’avère efficace pour garantir une visibilité médiatique, elle contribue également à la polarisation du débat public. Néanmoins, elle illustre de manière frappante comment la controverse peut devenir un outil puissant de communication politique tant à l’échelle des collectivités territoriales que nationales.

Quels sont les effets de cette stratégie de communication territoriale ?

Co-créateur de l’association Reporters sans frontières, Robert Ménard a mobilisé sa connaissance des médias traditionnels pour développer une stratégie de communication visant à promouvoir sa ville de Béziers au niveau national. En 2015, peu après le début de son mandat de maire, une campagne intitulée L’Appel a été lancée. Elle mettait notamment en scène la police municipale avec le slogan « Désormais, la police municipale a un nouvel ami », illustrant une volonté de renforcer la sécurité. Cette initiative a suscité des réactions diverses, Robert Ménard déclarant à l’AFP que ce type de communication relevait de « l’humour ». En 2016, le maire a abordé des thématiques qu’il juge prioritaires, comme l’immigration et la sécurité. Une affiche montrant une femme attachée sur des rails visait à critiquer l’inaction présumée de l’État face à l’insécurité. Cette image, fortement controversée, a suscité de nombreuses critiques pour son utilisation de symboles percutants. En 2020, une nouvelle campagne montrait une image du Christ crucifié accompagnée du message « Attaques au couteau : quand va-t-on réagir ? ». Cette affiche, comme les précédentes, a provoqué un débat national sur les limites de la communication municipale, notamment sur les limites de la liberté d’expression de celle-ci. En effet, certains opposants y voient des méthodes proches de la propagande et une communication municipale à des fins potentiellement partisanes. Par ailleurs, Robert Ménard a utilisé ses réseaux sociaux pour commenter des faits d’actualité, adoptant un ton direct et souvent clivant. Certains de ses tweets, portant sur l’immigration et la sécurité, ont contribué à placer Béziers au centre des discussions publiques. Ces campagnes de communication, bien que polémiques, ont permis à la ville de Béziers de bénéficier d’une visibilité accrue. Elles ont également soulevé des interrogations sur les responsabilités éthiques associées à une communication municipale axée sur des sujets sensibles et des images percutantes.

La polarisation de l’opinion publique à Béziers est créée par la multiplication des politiques

La consolidation du soutien électoral de Robert Ménard repose sur une stratégie politique qui mêle mesures sécuritaires, symboles identitaires et une communication directe avec les habitants. Ces décisions, bien que polémiques sur le plan national, semblent en phase avec les attentes d’une partie de son électorat local, majoritairement conservateur.  Ces mesures renforcent l’image d’un maire « proche des préoccupations locales »7 et prêt à prendre des décisions marquées, quitte à susciter des controverses au-delà de sa commune. Robert Ménard a un solide soutien de la part de ses électeurs. Lors des élections municipales de 2014 à Béziers, Robert Ménard est élu maire avec un soutien notable du Front National. Au premier tour, il a recueilli 44,88 %8 des voix et lors du second tour, il a consolidé sa position et obtenu le mandat de maire avec 47,4 % des suffrages, dans une triangulaire contre ses deux principaux adversaires politiques. Il a solidifié et s’est assuré du soutien des Biterrois pour sa réélection en 2020. Il est, ainsi, réélu dès le premier tour avec 68,7 % des voix, contre notamment 11,5 % à la liste centriste de Pascal Resplandy et 6,1 % à la liste d’union de la gauche menée par Nicolas Cossange. En 2015, le journal Le Monde déclare “Qu’ils l’aiment ou pas, tous les Biterrois sont d’accord : leur maire, Robert Ménard, a le sens de la communication”9 et explique que “dans le centre-ville, le franc-parler de Ménard plaît.”10

Nous avons, notamment, pu interviewer une biterroise, Jocelyne11, qui a affirmé son vote pour le maire. Elle a expliqué que Robert Ménard est un “homme sympathique”12. Jocelyne raconte qu’elle a voté pour lui seulement en 2020. D’après elle, il a sauvé le centre-ville des “voyous” et a “rénové Béziers”13. De plus, il va régulièrement se présenter et parler avec les associations biterroises et avec les citoyens eux-mêmes, il est ainsi “ proche des gens”14.

Malgré tout, des critiques sont présentes, que ce soit de ses opposants politiques ou de divers journaux tels que Mediapart, Midi Libre ou encore La Marseillaise. Ces opposants politiques, tels que les écologistes locaux, expriment régulièrement des critiques. Par exemple, ils dénoncent une communication jugée autoritaire et décalée du journal municipal mural de la mairie. Effectivement, ils ont répondu au journal de la Mairie, L’Appel, en créant, ironiquement, un journal qu’ils ont nommé La Pelle15.

En conclusion, la stratégie de communication territoriale de Robert Ménard repose sur l’instrumentalisation des controverses politiques pour lui garantir une couverture médiatique nationale. Grâce à son expérience du milieu journalistique, Robert Ménard a réussi à transformer des questions d’échelle locale en des enjeux nationaux permettant à Béziers de disposer d’un rayonnement conséquent pour une ville de moins de 100 000 habitants. L’adhésion de la population locale à cette stratégie médiatique est manifeste comme le prouve sa réélection en 2020 dès le premier tour. On peut ainsi se demander si la présence et le rayonnement médiatique de Béziers peuvent effriter la cohésion nationale ?

Article rédigé par Elisa CELLÉ, Max HAYMANN, Imen SAID KOUADRI – Promotion 2024-2025 M1 communication politique et publique

  1. « Ils arrivent » : l’affiche anti-migrants de Robert Ménard fait polémique, Ouest France, 12/10/2016 ↩︎
  2. Crèche de Noël : À Béziers, malgré les attaques en justice, Robert Ménard remet ça, 20 minutes, 04/12/2024 ↩︎
  3. Béziers : Ménard fier des nouvelles armes de sa police municipale, Le Figaro, de Tristan Quinault-Maupoil, le 12/02/2015 ↩︎
  4. A Béziers, Robert Ménard instaure un couvre-feu pour les moins de 13 ans, Le Monde par AFP, le 24/04/2024 ↩︎
  5. Refus de mariage à Béziers : impensable que Robert Ménard ne soit pas poursuivi pour l’avocate du couple franco-algérien, France Bleu, de Stephane Pocher, le 26/04/2024 ↩︎
  6. Obligation de quitter le territoire français (OQTF), Service-Public ↩︎
  7. « La vie à Béziers sous Ménard, » Le Parisien, 10 mai 2015, URL : https://www.leparisien.fr/archives/la-vie-a-beziers-sous-menard-10-05-2015-4759147.php ↩︎
  8. « Robert Ménard » Wikipédia, l’encyclopédie libre, dernière modification le 1 décembre 2024, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_M%C3%A9nard. ↩︎
  9. La vie à Béziers sous Ménard, » Le Parisien, 10 mai 2015, URL : https://www.leparisien.fr/archives/la-vie-a-beziers-sous-menard-10-05-2015-4759147.php ↩︎ ↩︎
  10. Ibid. ↩︎
  11. Nom anonymisé. ↩︎
  12. Jocelyne, Biterroise, interview réalisée le 05/12/2014 par Elisa CELLE. ↩︎
  13. Ibid. ↩︎
  14. Ibid. ↩︎
  15. « La pelle : la réponse des écologistes à Robert Ménard sur les panneaux de Béziers, » Midi Libre, publié le 6 octobre 2024, https://www.midilibre.fr/2024/10/06/la-pelle-la-reponse-des-ecologistes-a-robert-menard-sur-les-panneaux-de-beziers-12243413.php. ↩︎
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