Les 28 et 29 janvier 2025, les étudiants du master 1 Communication politique et publique ont eu l’opportunité de se rendre à Bruxelles, cœur de la politique de l’Union européenne, pour une visite enrichissante du Parlement européen. Ce séjour comprenait une immersion dans les locaux du Parlement, dont des rencontres privilégiées avec des professionnels de la communication et des acteurs des médias. L’objectif de cette expérience était d’observer de près les dynamiques qui façonnent la communication au sein des institutions européennes et, plus largement, l’image de l’Union auprès des citoyens.
Un des enjeux majeurs soulevés durant cette visite est la couverture médiatique marginale des affaires européennes. En effet, l’Union européenne semble souvent reléguée au second plan dans les débats médiatiques nationaux, au profit de sujets jugés plus proches du quotidien des citoyens. Mais cette relative invisibilité médiatique n’est-elle pas l’un des facteurs expliquant le désintérêt croissant du public pour les institutions européennes ? Il est en effet nécessaire de s’interroger sur la manière dont ce manque de couverture influence la perception des Européens vis-à-vis de l’Union et de ses politiques.

La place du journalisme européen
Mme Narrillos fait partie de l’équipe de presse responsable de la coordination éditoriale à Bruxelles et Strasbourg. La direction générale de la Communication (DG Comm) diffuse les politiques de l’UE auprès du public et informe la Commission sur l’évolution politique et les tendances des médias. L’équipe de presse du Parlement européen, composée d’une quarantaine de personnes, couvre plusieurs langues officielles de l’UE.
L’équipe suit toutes les activités parlementaires, y compris les comités et les sessions plénières, et se coordonne avec divers acteurs, tels que les députés européens, leurs bureaux et les secrétariats des comités. Comme le souligne Mme Narrillos, « les tâches au sein de l’unité sont horizontales », favorisant la collaboration pour partager les informations. Par exemple, les journalistes peuvent s’abonner à une newsletter pour des mises à jour sur les plénières, et après chaque événement, l’unité fournit une présentation et une transcription, tout en restant disponible pour répondre aux questions des journalistes.
Lors des douze plénières annuelles, l’équipe travaille en coordination pour rédiger des articles, répondre aux questions et publier des annonces. Ce fonctionnement présente des défis, notamment l’adaptation des messages selon les niveaux d’expertise des interlocuteurs. La vérification continue des informations et l’objectivité sont des processus d’apprentissage, garantissant la neutralité et la rigueur dans la présentation des faits.

Mme Narrillos était accompagnée de deux étudiantes en stage dans son équipe, Martha et Léna, dans la réalisation d’un programme nommé le « stage Schuman ». C’est un programme de stage proposé par le Parlement européen, destiné aux jeunes diplômés, souvent issus des domaines de la politique, du droit, de l’économie ou de la communication. Le nom de ce programme fait référence à Robert Schuman, l’un des pères fondateurs de l’Union européenne, qui a joué un rôle clé dans la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), ancêtre de l’UE. Le stage Schuman offre l’opportunité de découvrir le fonctionnement du Parlement européen et de s’impliquer dans des projets concrets en lien avec les politiques européennes. Ces stages sont proposés à deux moments de l’année : en mars et en octobre, pour une durée de 5 mois.
Les stagiaires sont affectés à différentes unités du Parlement, telles que les services des commissions, des groupes politiques, ou des départements de communication, où ils participent à des activités variées, telles que la rédaction de rapports, la recherche, l’organisation d’événements, ou encore la gestion des relations avec les médias et les citoyens. Les stages Schuman sont très recherchés, car ils permettent aux jeunes professionnels de se plonger dans l’environnement politique européen, d’acquérir une expérience pratique précieuse et d’établir un réseau de contacts au sein des institutions de l’UE.
Le désintérêt des citoyens pour les enjeux européens : une affaire de média
Durant notre deuxième semestre consacré aux enjeux de la communication européenne, nous avons appris que les décisions prises à l’échelle européenne ont des répercussions directes et concrètes sur la vie de millions de personnes, notamment au niveau économique, écologique et sanitaire. De fait, au regard du nombre important de citoyens européens concernés par les politiques de l’UE, il paraît essentiel de s’y intéresser. Toutefois, Mme Narrillos regrette un désintérêt notable des médias nationaux pour certains enjeux européens, malgré leur importance capitale. Malgré l’importance de ces décisions, il existe un désintérêt pour l’actualité européenne dans certains pays membres de l’UE. Ce manque d’engagement pourrait être expliqué par les médias nationaux, qui, submergés par une abondance d’informations locales, laissent peu de place à l’actualité européenne. Comme l’a souligné Mme Narrillos, « les médias sont sous beaucoup de pression. Financièrement, ils vendent moins que jamais, ils ont la pression des acteurs nouveaux », ce qui les pousse à se concentrer sur des sujets plus proches de leurs lecteurs plutôt que sur les décisions européennes.
En plus de l’argument économique, on peut avancer que les affaires européennes sont perçues comme trop techniques pour les citoyens non familiarisés avec le langage des institutions. C’est ici qu’intervient le rôle du service de presse du Parlement européen, dont Mme Narrillos fait partie, visant à rendre l’information plus accessible, en la vulgarisant et en soutenant les journalistes nationaux. Cependant, l’actualité européenne est traitée différemment selon les pays. Comme l’a souligné Mme Narrillos, « Vous êtes un pays fondateur de l’UE, mais vous êtes l’un des plus sceptiques », comparé à des pays comme l’Italie ou l’Espagne, où les affaires européennes sont davantage médiatisées.
En France, le désintérêt des médias pour l’actualité européenne est marqué. Entre 2004 et 2023, seulement 3 % de l’information des JT du soir[1] a été dédiée aux institutions européennes. Plusieurs spécialistes expliquent ce phénomène.
Nicolas Hubé, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Lorraine, affirme que les médias « ont tendance à surtout couvrir l’Europe par le biais des sommets européens », la complexité du sujet rendant difficile son traitement de façon originale[2]. Selon Adrien Gindre, chef du service politique de TF1 et LCI, l’indifférence est liée à l’idée que l’Europe est « quelque chose de lointain, qui ne les concerne pas ». Michaël Malherbe, spécialiste de la communication, évoque la montée de « l’euroscepticisme light », où « pendant très longtemps, être pro-européen était une stratégie moralement juste et politiquement payante, alors qu’aujourd’hui, pour être “fashionable” par les médias, il faut taper un peu sur l’Europe ».
Les élections européennes illustrent cet éloignement record des Français de Bruxelles[3] :
En moyenne, 7 Européens sur 10 s’intéressent aux élections européennes, contre seulement 5 Français sur 10. En 2019, la participation des Français était de 50,12 %, les plaçant 13e sur 27, et en 2024, elle a légèrement augmenté à 51,49 %. Cependant, selon une enquête de mars 2020, 72 % des Français souhaitent être mieux informés sur l’UE. Les médias doivent donc mieux couvrir ces enjeux !
En somme, le faible intérêt médiatique pour les affaires européennes influence indirectement l’engagement citoyen, mais ne le détermine pas de manière absolue. En effet, bien que la couverture médiatique limitée des décisions de l’UE puisse contribuer à une méconnaissance croissante des enjeux européens, cet aspect ne constitue qu’un des facteurs parmi d’autres qui impactent l’engagement des citoyens. Comme le souligne l’analyse des dynamiques de la communication européenne, l’engagement citoyen, mesuré notamment par le taux de participation aux élections, est également fortement influencé par les contextes nationaux, les priorités locales, ainsi que la situation sociale et économique des individus.
Il est donc essentiel de comprendre que, même si la médiatisation insuffisante de l’Union européenne peut nourrir un manque de sensibilisation et de compréhension des enjeux européens, l’engagement des citoyens vis-à-vis de ces enjeux ne dépend pas uniquement de cette couverture médiatique. Des facteurs comme la confiance dans les institutions, le contexte politique national, la perception des bénéfices de l’UE pour le quotidien des citoyens et leur situation socio-économique jouent également un rôle majeur dans leur participation politique, y compris leur vote aux élections européennes.
Amrou Daighami, Hugo Singrahphak, Andrea Nato, Mathis Keller, master 1, promo 2024-2025
[1] TF1, France 2, France 3, M6 et Arte.
[2] Article du site média+, “L’Europe, un sujet intraitable dans les médias français ?”, décembre 2021 (L’Europe, un sujet intraitable dans les médias français ? | média+).
[3] Article du site INA, “Actualité européenne : la grande timidité de nos journaux télévisés”, mai 2024 (Actualité européenne : la grande timidité de nos journaux télévisés | la revue des médias).