Connaissez-vous l’Atelier du Bruit qui Court ? Le vendredi 18 octobre, Lucie Campana a présenté son agence, cofondée avec Stéphanie Laurent-Parravano, aux étudiant-es de M1 en communication politique et publique.
Créée en 2021, cette agence a été fondée pour répondre au « contexte de transformations économique, sociale, urbaine, écologique » de notre époque, en accompagnant la « nécessaire transition de nos modèles » qui implique d’« inventer et concevoir de nouvelles manières de faire. »1 L’Atelier Le Bruit qui court souligne le fait que malgré les crises et les défis, il existe un fort désir de changement et d’innovation de la part des habitants. Ce pourquoi, les deux fondatrices ont pris l’initiative de créer un atelier visant à formaliser un engagement collectif pour explorer ces transitions et trouver des solutions à la fois inclusives et ambitieuses. L’idée centrale de l’atelier est que la communication, même sur des sujets parfois délicats, est essentielle pour définir les changements nécessaires à l’avenir, notamment dans le cas des projets de territoire. Notion à la fois abstraite et large, le projet de territoire peut être défini comme étant un « document-cadre […] pensé comme un programme d’actions locales répondant aux différents problèmes du territoire concerné et fixant les priorités à atteindre. »2
Malgré l’implication des habitants sur leur territoire, des tensions apparaissent lorsqu’il s’agit de définir une direction commune entre la volonté des citoyens et politiques d’aménagement du territoire. Cela soulève deux questions : Qui sont les citoyens qui participent ? Sont-ils entendus lorsqu’on les sollicite ?
C’est bien ici que réside toute la complexité. En effet, les habitants sont les premiers à voir le changement mais surtout à vivre avec. Toutefois, leurs points de vue sont fréquemment sous-représentés. Il convient alors pour Lucie Campana de les placer au cœur du projet, en véhiculant leurs valeurs à travers leur expression.
Ce rôle essentiel nous a été présenté dans le cadre de la mise à jour du projet de territoire de la Communauté d’Agglomération de Lens-Liévin (CALL). En 2017, l’agglomération de Lens-Liévin avait la volonté de faire des habitants, les acteurs du projet, grâce à la mise en place d’une démarche participative. Cependant, le projet fut peu à peu oublié, laissant aux habitants l’impression que l’avenir de leur agglomération n’était plus une priorité. C’est en 2024 que la CALL relancera son projet de territoire, en faisant appel à Lucie et son équipe. 40 entretiens ont été réalisés par l’Atelier, sur un échantillon de personnes âgées de 15 à 80 ans, résidant dans les 36 communes de l’agglomération, ayant toutes en commun d’être éloignées du débat public. Ces interviews ont permis de révéler toutes les attentes des habitants en lien avec l’avenir du territoire, mêlant des constats positifs, négatifs et d’espoirs.
Ces entretiens ont permis de mettre en évidence un point de convergence parmi les habitants : leur attachement profond à l’identité de leur territoire. Ce sentiment s’exprime à travers un lien unissant des personnes diverses à un espace commun, en grande partie grâce à son histoire politique et sociale. Par exemple, certains habitants de la CALL s’unissent à travers l’histoire minière de la région et son patrimoine. On observe aussi l’importance du cadre de vie jugé relativement chaleureux. Les résultats des entretiens ont permis de mettre en avant des lignes directrices au sujet de l’expérience de vie des habitants. En effet, certains portent également des discours négatifs qui témoignent de plusieurs tensions. L’exode rural, la réduction des activités industrielles entrainant la réduction des emplois constituent les principales critiques négatives. Par ailleurs, certains habitants ont exprimé des doutes quant à l’avenir du territoire. Ils font toutefois état d’une volonté commune de progrès et d’innovation, portée par le désir de rendre leur région plus attractive et économiquement dynamique. Néanmoins, ce désir s’accompagne d’une certaine inquiétude. Les progrès à venir et l’implantation de nouvelles entreprises visent-ils réellement le bien-être des habitants ? Et qu’en est-il de l’identité du territoire ? Selon eux, ces interrogations doivent être placées au centre du projet.
L’équipe de l’Atelier a pu aussi mettre en évidence que 12% des participants souhaitent axer leurs efforts sur l’attractivité de l’agglomération. Cela renforcerait l’image de la CALL et favoriserait l’installation de nouveaux habitants ainsi que le développement du tourisme. Pourtant, 38% des répondants estiment que la CALL devrait plutôt se concentrer sur l’amélioration du cadre de vie pour les habitants actuels et ne pas chercher à tout prix à plaire à l’extérieur au risque de perdre ce qui fait l’unicité de la région. Néanmoins, 46% des interviewés aimeraient pouvoir lier l’amélioration du cadre de vie à l’attractivité du territoire. Cette dernière réponse apportée pourrait constituer une piste à explorer par les organisateurs du projet.
Enfin, toujours dans l’optique de comprendre davantage ce qu’est un projet de territoire, Lucie Campana, nous a proposé un exercice nous permettant, l’espace d’un instant, d’être dans la peau de vrais communicants. L’ensemble de la classe s’est réuni en groupes dans le but de répondre à une consigne commune : produire la stratégie de communication du projet territoire de la CALL. À travers la mise en place de stratégies et d’outils de communication, il a été question de voir la complexité et le travail de fond qu’il y a derrière un aussi grand projet de territoire.
Pour cela, plusieurs groupes ont été formés afin de favoriser une meilleure organisation et des résultats optimaux. Le premier groupe avait la charge de créer le nom, l’identité et la marque du projet. Cette phase est d’une importance capitale car elle est directement liée à la notion d’identité de territoire, vue précédemment. En effet, trouver un nom, une histoire à raconter derrière un projet afin que les bénéficiaires puissent s’y identifier participe grandement à la réussite des objectifs fixés. Puis, le second groupe entreprit la deuxième étape, qui consistait à élaborer le plan de communication et les outils nécessaires à la présentation des trois grands axes du projet à savoir : « Mieux vivre dans le territoire », « Le territoire de demain : un territoire pour les nouvelles générations » et « Un territoire dont on est fier ». Même si ces deux étapes ont été réalisées séparément, elles restent dépendantes l’une de l’autre. Il n’y a pas de plan de communication sans nom et identité de projet. Et nos camarades n’ont pas manqué de créativité, faisant ainsi honneur au master. De « Nord au cœur, notre avenir » à « Mine de rien, Lens’on nous » les étudiants ont proposé des noms qui incarnent le sens du projet ainsi que l’identité même du territoire des habitants de la CALL. Quant au plan et aux outils de communication, les élèves de master 1 ont suggéré de mettre en place une stratégie et des outils adaptés à l’ensemble des habitants, toutes tranches d’âge confondues avec la création de posts sur les réseaux sociaux, les sites Internet pour les générations les plus connectées et des affiches présentant le projet, collées dans les villes pour les personnes plus âgées ainsi qu’une mise en place de réunions entre élus et habitants.
Pour finir, nous tenons à remercier notre professeur pour l’organisation de cette rencontre, ainsi que Lucie Campana pour le temps qu’elle nous a accordé. Pour beaucoup d’entre nous, envisager notre avenir professionnel après le master signifie travailler auprès d’élus au Parlement par exemple ou au sein d’agences d’affaires publiques. Grâce à cette rencontre et au témoignage de Lucie Campana, nous avons pu découvrir d’autres applications de la communication. Les projets des collectivités territoriales et les élus locaux étant rarement mis en avant sur nos écrans (télévisions, réseaux sociaux), il est parfois difficile de se projeter dans un métier comme celui de Lucie Campana, bien que de grands projets tels que la CALL touchent directement les citoyens que nous sommes.
Ce compte rendu a été rédigé par RAUNER Adam, SAID KOUADRI Imen et SZCZESNOWSKI Matthieu (promotion 2024-2025).
- Site Internet de l’Atelier Le Bruit qui court, page « Présentation », https://www.atelierlebruitquicourt.com [consulté le 31 octobre 2024]. ↩︎
- « Territoire de projet, projet de territoire », site Internet Géoconfluences, https://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/projet-territoire-de, juillet 2005 [consulté le 31 octobre 2024]. ↩︎