Compte rendu du dossier «“Les ONG à l’épreuve de la com’” », Hermès, 2022 (n° 89)
La revue Hermès intitule son 89e numéro, publié le 5 juillet 2022, “Les ONG à l’épreuve de la com’”, coordonnée par Michaël Oustinoff et Ugo Ruiz, spécialistes de la traduction et de l’analyse du discours. Le dossier est divisé en trois parties : “Les ONG dans les rouages de l’influence et du pouvoir”, “Crises glocales” et “ONG en crise” et “Société civile mondiale et mondialisation des ONG”. La revue Hermès se consacre depuis 1988 à l’étude du champ de la communication. Fondée et dirigée par le sociologue Dominique Wolton, elle est hébergée par le CNRS et publie deux numéros par an. La thématique de ce dossier permet d’explorer les liens complexes entre ONG et communication politique. Ce compte-rendu porte plus spécifiquement sur la première partie du dossier avec ses 11 articles dont 4 entretiens. Les auteurs du dossier ne traitent pas uniquement des organisations occidentales puisque le système de solidarité internationale que l’on a toujours connu (aide des pays riches du Nord vers les pays sous-développés du Sud) apparaît comme dépassé. Ainsi, cette nouvelle reconfiguration du paysage des ONG de solidarité internationale avec la croissance rapide d’ONG des pays du Sud, a bousculé les schémas traditionnels de l’aide humanitaire.
Le dossier est constitué à la fois d’articles académiques relevant de différentes approches théoriques et d’entretiens avec des acteurs impliqués directement dans les ONG, ce qui permet de mettre en dialogue des perspectives universitaires et professionnelles. Cette diversité se reflète dans la revue elle-même, qui propose des études ethnographiques, afin d’étudier de plus près les pratiques sur le terrain, mais aussi en réalisant des analyses documentaires, qualitatives et également des analyses quantitatives. Les approches conceptuelles relevant d’ancrages historiques, anthropologiques, sociologiques et politiques complètent ce cadre méthodologique varié. Cette diversité d’approches, présente dans les articles de la revue, favorise une exploration approfondie et diversifiée des enjeux liés à la communication des ONG et à leur rôle dans le contexte de l’influence politique et économique. l’aide au développement
Dans ce numéro de revue les auteurs se concentrent sur les ONG et leur communication, ils cherchent à mesurer l’importance de la communication pour ces organisations, étudier leurs outils et leurs marges de manœuvre. En effet, ils s’intéressent à ce sujet car les ONG occupent un rôle de plus en plus important et ont de plus en plus d’influence. L’étude part du principe que les ONG ont pu se développer grâce à certains outils de communication. Celle-ci figure comme un élément clé de leur croissance et de leur impact. La croissance et le développement des ONG leur a permis d’accéder à des moyens plus sophistiqués et des stratégies plus performantes.
Les auteurs tentent de comprendre l’évolution des techniques de communication à travers l’étude de la mondialisation et de la globalisation. Mais aussi l’impact des ONG sur les communautés, les politiques, en s’intéressant à l’engagement qu’elles suscitent dans le monde. La revue a une dimension internationale de ce fait et semble s’intéresser aux questions des relations internationales. Dans la plupart des articles, les concepts de sciences politiques et principalement de géopolitique sont exposés. Effectivement, les articles 7,8,2 et 10 précisent le rôle primordial des ONG dans la diplomatie et comment celles-ci à la fois influencent et sont influencés par les différents acteurs politiques, économiques… Les ONG par le biais de leurs communications sont alors perçues comme des acteurs géopolitiques non étatiques. De ce fait, la revue a un ancrage évident dans la communication politique. Elle vise à analyser les différentes stratégies de communication par les ONG dans des contextes politiques divers (conflits, accords…). Comment les ONG doivent-elles régulièrement faire face à des communications de crise ? Quelle est leur influence et leur place sur la scène internationale ? Au vu de leurs missions et de la place qu’elles obtiennent aujourd’hui dans le monde, la revue pose une réflexion critique sur leur avenir.
Ce dossier tente de comprendre comment la professionnalisation de la communication des ONG, redéfinit-elle leur rôle et leur influence dans un contexte mondialisé. En quoi les modèles traditionnels ont laissé place à de nouvelles techniques et outils qui remettent en cause la transparence et l’éthique de certaines organisations à but non lucratif ? Ce dossier répond à cette problématique par le biais de cinq principaux axes, qui mettent en exergue les principaux enjeux et défis de la communication des ONG aujourd’hui dans la dynamique internationale.
La professionnalisation de la communication des ONG : influencées et influentes
Le fil conducteur de ce dossier est l’étude de l’étendue de l’influenceet du pouvoir des ONG au fil du temps. Comme l’expriment les différents chercheurs dans cette revue, la part des ONG a été multipliée et a également vu son importance et son rôle prendre de l’ampleur. La notion d’influence évolue de manière différente en fonction des sphères dans lesquelles elle intervient et apparaît de manière explicite ou implicite. Les ONG, en se professionnalisant et en élargissant leur influence, sont confrontées à des problèmes de communication et de perception, notamment du côté de la société civile. Dans un sens, l’influence peut être perçue positivement dans le cas où elle participe au développement démocratique. En effet, lors de conférences, conflits, débats de sujets sociétaux, la voix et la reconnaissance des ONG a été davantage entendue, ce qui peut se traduire par une participation plus importante et valorisée de la société civile. Pierre Henri Guignard, ancien ambassadeur, présente à travers son entretien ce qu’il appelle le « multilatéralisme participatif », une nouvelle approche des relations internationales qui entend accorder davantage d’importance et de pouvoir aux ONG dans les processus décisionnels d’envergure internationale. Effectivement, les ONG participent mais surtout interviennent dans des évènements mondiaux de grande envergure tels que la COP21 et, de ce fait, détiennent une influence conséquente sur des sujets dominants aujourd’hui.
En écho à cet entretien, l’article de Nathalie de Kaniv, historienne qui s’est principalement intéressé aux sujets concernant l’Europe, « Universités et ONG, un terrain propice pour l’expression de la société civile en Europe de l’Est »,apporte également une réflexion sur ce sujet. L’auteure y montre que les ONG sont utilisées comme de véritables outils géopolitiques et démocratiques. Leurs pouvoirs et de ce fait leurs influences se sont étendues à de plus grands domaines que ceux historiquement établis. Par ces différentes techniques, les ONG deviennent vectrices d’une mentalité européenne, qu’il souhaite imposer ou diffuser dans le monde. Un affrontement d’idéologie peut survenir lorsque des pays avec des modèles économiques et politiques très différents de ceux occidentaux, désirent également développer et étendre leurs modèles par le biais de ces organisations.
Les ONG deviennent de véritables outils de communications politiques qui utilisent de nouveaux codes et techniques de communication, non utilisés habituellement par les associations à but non lucratif. Zhao Alexandre Huang, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication, propose une première analyse de ce phénomène dans son article « L’Institut Confucius et la diplomatie publique chinoise en Afrique : un organe de propagande déguisée en ONG ? ». Comment reconnaître aujourd’hui et surtout faire la différence entre diplomatie publique et propagande d’influence politique lorsque des mêmes techniques et outils de communication sont utilisés ? Dans ce cas précis, les enjeux et opportunités économiques et sociales sont tellement importants qu’il ne peut y avoir qu’un simple échange culturel entre les deux pays mais qu’un réel exercice de pouvoir est entrepris. L’influence exercée va permettre de légitimer la parole et la prise de contrôle d’un certain nombre de décisions. Cet article souligne également le fait qu’aujourd’hui, ces organisations se sont tant perfectionnées et ont développé tant de moyens, qu’elles s’apparentent à de véritables institutions à l’influence importante. Leurs tailles et leurs fonctionnements permettent à présent de confronter, de penser, d’imposer de nouveaux défis propres à leurs agendas.
Tout comme pour l’Institut Confucius, les Think Tank sont difficiles à définir au vu de leurs missions et rôles qu’ils jouent dans l’influence des politiques. Les think thank mélangent la recherche et les méthodes d’enquête scientifique avec des techniques d’influence utilisées par les lobbys. Il est donc difficile, encore une fois, de pouvoir déterminer des limites dans leurs actions et ainsi de comprendre leurs influences extérieures. Les thinks tank se rapprochent des ONG aujourd’hui dans leurs capacités d’actions pour innover et proposer des idées aux décideurs publics. Ils mettent en évidence les nouveaux mécanismes de gouvernance qui ont évolué depuis quelques années et qui nécessitent à présent l’aide de ces organisations pour formuler de nouvelles politiques. Ici encore, il est question de professionnalisation des ONG car elles sont nécessaires pour fournir une expertise et donner des connaissances spécifiques sur tel sujet. Elles acquièrent quasiment un rôle. Elise Bernard, Directrice des études du think tank EuropaNova et docteur en droit public, parle d’influence structurelle pour désigner ce phénomène.
L’un des principaux aspects perceptibles à travers ces trois articles et cet entretien est que tous ces types d’organisations à but non lucratif se tournent vers de nouvelles techniques de communication, qui ne correspondent pas aux outils habituellement utilisés par celles-ci. La recherche d’influence et de pouvoir est évidente et dans certains cas peut venir flouter les messages que celles-ci veulent faire passer. La manière dont celles-ci communiquent peut avoir des conséquences et des implications importantes sur le plan international. Dans la plupart des articles traités ci-dessus, l’influence apparaît comme indirecte, c’est-à-dire cachée et pas véritablement assumée. Les ONG sont toujours en quête d’influence que ce soit de la société civile, des États, des politiques. La professionnalisation de la communication au sein de ces organisations a effectivement eu une influence sur leurs actions, leurs relations et leurs dynamismes.
De la communication publique à la communication politique
L’entretien avec Pierre Henri Guignard (Haut fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères) permet de mieux saisir l’évolution de la communication politique comme un avènement de l’immédiateté permettant dès lors à la société civile de développer sa propre communication. Dans les deux articles, à savoir, l’entretien avec Pierre Henri Guignard et l’article sur l’Institut Confucius, on reconnaît les ONG comme des sources d’informations cruciales, particulièrement dans des contextes autoritaires, et le concept de “multilatéralisme participatif” qui émerge. Celui-ci décrit une collaboration entre les acteurs gouvernementaux, les acteurs diplomatiques et la société dite “civile”. Guignard ayant participé à la COP21 illustre comment les ONG peuvent jouer un rôle politique significatif, qui siègent d’ailleurs aux mêmes places que les négociateurs. Cela témoigne d’une transformation dans la diplomatie internationale vers une démocratie d’ouverture, de transparence et davantage participative.
Les ONG occupent une place à la crête de la communication politique et de la communication publique, par leur influence dans les enjeux mondiaux et les questions de société. Dans l’article 8, l’auteur Huang Zhao Alexandre analyse la relation entre l’Institut Confucius, la diplomatie publique chinoise en Afrique et sa propagande. L’auteur vient explorer la distinction entre ces deux termes en se concentrant sur les pratiques communicationnelles de l’Institut Confucius en Afrique. L’article se base sur une étude ethnographique au Kenya. L’analyse approfondie met en lumière comment l’Institut Confucius influence l’image de la Chine en tant que puissance majeure en Afrique, légitimant sa présence géopolitique et renforçant la coopération internationale. C’est en ce sens que l’on reconnaît l’essor de la communication politique et de la communication publique. En somme, l’article offre une perspective sur les enjeux de la diplomatie publique et de la communication à l’échelle internationale.
L’article intitulé “Les ONG françaises face à la globalisation de l’aide”, issue d’un entretien de Vincent Pradier, chargé de mission études/analyses au sein de Coordination SUD et celui portant sur “ONG et (in)communication extra-financière dans le Pacte vert européen” de Florian Favreau, docteur en gestion et en droit, soulignent aussi le rôle essentiel de la communication politique et publique au sein des ONG en mettant en lumière les dynamiques auxquelles elles sont confrontées. Dans l’entretien de Vincent Pradier, on aborde les défis dont les ONG françaises font face dans un contexte mondialisé, où la communication politique est “palpable”. De manière similaire, l’article sur les ONG dans le Pacte vert européen est axé sur le rôle de la communication politique et publique en tant qu’outil clé pour influencer la gouvernance des entreprises et promouvoir la durabilité.
Tous ces articles démontrent que la présence de la communication politique et publique au sein des ONG est perceptible à travers plusieurs éléments à savoir : les efforts de plaidoyer, les campagnes de sensibilisation, leur recherche pour obtenir un soutien financier, leurs relations avec le pouvoir public et leur adaptation aux défis de la mondialisation, illustrant la nature “stratégique” de la communication et de ses outils.
La communication des ONG : de nouveaux outils et fonctionnements
Pour analyser l’influence des ONG et commenter leur manière de communiquer, les auteurs de ce dossier abordent beaucoup les outils de communication que celles-ci utilisent ainsi que la question du financement.
C’est le cas par exemple dans le septième article de la revue « Les ONG à la table des États : un « multilatéralisme participatif », de Pierre Henri Guignard, que nous venons d’évoquer. Pour lui, au niveau international, les techniques de communication des ONG ont permis à la société civile de se démarquer, de prendre la parole sans avoir besoin de passer par des structures diplomatiques. Il devient essentiel pour les acteurs diplomatiques de les intégrer dans les processus décisionnels, ce qui a un impact direct sur les résultats. Cela montre que la communication des ONG est un élément crucial dans leur développement et dans leur ascension.
Charlène Le Blanc Gouverneur, étudiante en 3ème annéee de sciences sociale à l’université Paris Cité, parle d’un outil qui vient tout juste d’entrer dans le répertoire des techniques de communication des ONG : les recruteurs de donateur. Ce sont des personnes placées stratégiquement dans les lieux de passage (gares, abords des centres commerciaux…) qui abordent les passants afin de récolter des dons pour les associations qu’ils représentent. Ils adaptent leur manière de faire à la catégorie de donateur que vous représenter à leurs yeux. Ils sont embauchés par des agences qui proposent des prestations aux ONG pour appeler aux dons et récolter de l’argent. Cela illustre tout à fait la professionnalisation des ONG qui font appel à des prestataires extérieurs de communication humaine.
Toutes ces questions autour des outils de communication sont intrinsèquement liées aux questions du financement des ONG.
C’est ce dont parle Ugo Ruiz, coordinateur de ce numéro de la revue et maître de conférences à l’université de Göteborg au département de langues et de littératures, dans le premier article de la revue qui s’intitule « Regards croisés sur l’Agence française de développement et l’Agence suédoise de développement et de coopération internationale ». Selon l’auteur, la montée en puissance des ONG est liée au développement de l’aide publique « une aide assez difficile à cerner les contours ». Dans cet article, on comprend que pour les ONG suédoises autant que les françaises, l’aide au développement a joué un grand rôle dans le développement de l’influence des ONG. Il est important de comprendre les contextes et l‘histoire des pays pour comprendre le contexte dans lequel les ONG s’inscrivent. En effet, le versement de cette aide en dit long sur les relations entre les ONG et les États donateurs et sur les intérêts des États.
La globalisation des ONG : une opportunité ?
La notion de globalisation des ONG se réfère à la tendance croissante des ONG à opérer à l’échelle mondiale, en transcendant les frontières nationales pour aborder des problèmes et des enjeux qui ont des implications au niveau international.
L’article 11 “Universités et ONG, un terrain propice pour l’expression de la société civile en Europe de l’Est” de Nathalie de Kaniv est un exemple de globalisation des ONG puisqu’il explicite leur rôle dans le développement démocratique, juridique et sociétal d’un pays, en l’occurrence ceux qui ont été sous l’emprise de l’URSS et de l’influence soviétique. En Ukraine, par exemple, les ONG sont aujourd’hui perçues comme des outils diplomatiques et démocratique et comme des vecteurs de la mentalité européenne. Les ONG ont été des acteurs essentiels dans la transition politique, sociale et juridique des pays d’Europe de l’Est qui ont été sous l’influence de l’URSS. Leur action contribue à la consolidation de la démocratie, à la protection des droits de l’homme et au renforcement des liens entre ces pays et la communauté internationale, illustrant ainsi un aspect important de la globalisation des ONG dans ces régions.
Dans la continuité l’entretien avec Christophe Deloire, secrétaire général de l’ONG Reporters sans frontières met en avant les mêmes idées. Effectivement les ONG et ici, Reporter Sans Frontières, ont dû s’adapter à la mondialisation de l’information. La question qui est abordée est comment garder des espaces informationnels démocratiques face à des régimes autoritaires. Les ONG doivent s’engager concrètement pour soutenir l’information, la communication, la démocratie face à des situations complexes, des conflits. Il y a également un lien à établir avec l’organisation actuelle des ONG qui s’est professionnalisé et a étendu les profils, les métiers des employés pour pouvoir répondre à ces nouveaux besoins.
L’article 1 “Regards croisés sur l’Agence française de développement et l’Agence suédoise de développement et de coopération internationale” est aussi un exemple de globalisation des ONG puisque dans le contexte des agences de développement, plusieurs aspects sont évoqués. Le texte explore comment la montée en puissance des organisations non gouvernementales (ONG) est liée au développement de l’aide publique au développement (APD). Il met en évidence les enjeux stratégiques et communicationnels qui influencent l’APD, un secteur essentiel pour de nombreuses ONG. L’article aborde la manière dont les États encadrent de plus en plus l’action des ONG dans le cadre de l’aide publique au développement (APD). Il évoque les thématiques choisies par les États, les partenariats privilégiés avec des ONG importantes et les procédures de contrôle et d’évaluation mises en place, ce qui a des implications sur la bureaucratie de l’APD. Dans la même thématique, l’entretien du dossier “L’Agence suédoise de développement et de coopération internationale et le défi de la transparence”, un entretien de Göran Holmqvist, chef du département de l’aide humanitaire en Asie et en Afrique du Nord et Moyen-Orient de l’ASDI, est une discussion qui porte sur la montée en puissance des ONG et comment cela a affecté l’ASDI. Holmqvist souligne que l’ASDI soutient de nombreuses ONG suédoises, internationales et locales, en particulier dans des contextes de conflit et dans des domaines liés à la démocratie et aux droits de l’homme. La question de l’adaptation des ONG aux conditions changeantes est également abordée.
Enfin, l’interview de Vincent Pradier, chargé de mission Études et Analyses/OngLAB au sein de Coordination SUD, souligne l’impact conséquent qu’ont eu les ONG dans la mondialisation. Tout d’abord, le modèle d’intervention des ONG et de l’aide internationale ont été remis en cause. Revoir le modèle asymétrique qui existe entre les pays dit Nord et Sud, entre les pays donateurs et les pays bénéficiaires. Les ONG ont fait face à un remaniement de leur fonctionnement mais aussi pris davantage de place dans des domaines importants comme nous l’avons vu (développement démocratique, processus décisionnel, intervention dans des conflits…).
La responsabilité des ONG en matière de transparence et d’éthique
La transparence et l’éthique sont aussi des thèmes qui sont abordés dans la plupart des articles qui composent ce dossier. En effet, ces thèmes occupent une place cruciale dans le paysage de la coopération internationale et ont émergé comme des préoccupations centrales au sein des organisations non gouvernementales (ONG), reflétant leur montée en puissance significative dans la coopération internationale depuis les années 90.
Dans ce numéro, on comprend que les notions d’éthique et de transparence sont des éléments majeurs de l’aide au développement, de la communication des entreprises, de la diplomatie publique, et de l’influence des ONG et think tanks financés par des décideurs publics.
L’entretien entre Ugo Ruiz et Göran Holmqvist met en lumière la nécessité de la transparence dans le contexte de l’Agence suédoise de développement et de coopération internationale (ASDI). Cette approche offre un éclairage sur la sécurité de l’information et son impact sur la coopération internationale. Cet article met également en lumière la politique d’aide au développement de l’ASDI et son engagement envers la transparence. Göran Holmqvist souligne l’importance de respecter le principe suédois de transparence tout en évitant de nuire aux partenaires. La sécurité de l’information est également évoquée comme un sujet majeur, soulignant la sensibilité des opérations de l’ASDI. L’article explore le rôle croissant des ONG dans le travail de l’ASDI, en mettant l’accent sur la démocratie et les droits de l’homme. Les efforts de l’ASDI pour assurer la transparence et le contrôle des fonds alloués aux ONG sont abordés, soulignant les défis liés à la complexité des situations sur le terrain. Holmqvist souligne enfin la conviction que les ONG joueront un rôle essentiel à l’avenir de l’aide au développement, soulignant l’importance de la coopération internationale pour relever les défis mondiaux.
Néanmoins, la transparence ne se limite pas à la simple divulgation d’informations mais elle s’étend également au contrôle environnemental et aux mécanismes juridiques qui encadrent les actions des entreprises. C’est ce que montrel’article 4 de la revue intitulé “ONG et (in)communication extra-financière dans le Pacte vert européen”. Cet article sur le Pacte vert européen met en évidence le rôle accru des ONG dans la communication environnementale des entreprises. L’UE renforce l’accès des ONG au contrôle administratif et juridique de la communication des entreprises, favorisant ainsi la transparence. Le Pacte vert reconnaît la nécessité d’améliorer l’accès des citoyens et des ONG aux procédures juridiques pour renforcer la responsabilité des entreprises en matière environnementale. Cette approche offre aux ONG la possibilité de contester les décisions des institutions de l’UE, contribuant ainsi à une communication plus transparente et responsable des entreprises dans le domaine environnemental.
Cependant, la question du contrôle ne se résout pas uniquement par des mécanismes légaux. Il nécessite également une communication et une sensibilisation accrues, comme le suggère l’article 9 qui met en avant l’importance de la communication et de la sensibilisation pour garantir la transparence et la légitimité des ONG. L’article d’Élise Bernard, que nous avons abordé dans notre premier paragraphe, explore les capacités d’influence des ONG et des think tanks (TT) financés par des décideurs publics, en mettant en lumière trois aspects clés. Tout d’abord, il souligne l’importance d’une relation contractuelle préalable entre ces acteurs. Ensuite, il examine comment ces acteurs sont mobilisés par des décideurs publics influents à différents niveaux, mettant en avant leur plus grande capacité d’action et d’innovation par rapport aux décideurs publics traditionnels.
L’article aborde également la réponse à “l’incommunication » persistante, notant comment une communication inefficace peut entraîner des malentendus et des conflits, soulignant ainsi l’importance de la transparence et de la représentativité pour la légitimité des actions des ONG. Enfin, il insiste sur la nécessité de la communication et de la sensibilisation pour lutter contre la désinformation et favoriser une meilleure compréhension des rôles et des responsabilités de chacun, contribuant ainsi à renforcer la transparence et la légitimité des actions des ONG et des think tanks.
La transparence, l’éthique et la légitimité émergent comme des fils conducteurs essentiels dans la complexité de la coopération internationale, selon diverses perspectives. Ces principes ne sont pas des concepts isolés, mais plutôt des éléments cruciaux à intégrer de manière robuste dans notre approche globale de la coopération internationale. En particulier au sein des ONG, ces enjeux prennent une importance majeure, surtout dans leurs interactions avec les décideurs publics et leurs actions à l’échelle internationale. Dans un monde globalisé, les questions sur le rôle et la responsabilité des ONG en matière de transparence et d’éthique deviennent plus prégnantes, remettant en question l’impact et l’influence qu’elles exercent.
Cette responsabilité des ONG en matière de transparence et d’éthique, sont développées par Lucile Desmoulins, maîtresse de conférences en sciences de l’information et de la communication, dans son article intitulé “Les think tanks : des stratégies d’influence politique entravées par une raison d’être ambiguë et contestée”. En effet, l’autrice explique que les think tanks font face à des critiques liées à leur impact limité, à leur manque de transparence financière et à leur prévisibilité idéologique. Ces critiques mettent en lumière les défis auxquels ces organisations sont confrontées en termes de responsabilité éthique.
Conclusion
Le numéro 89 de la revue Hermès, intitulé « Les ONG à l’épreuve de la com' », offre donc une exploration approfondie du rôle et de l’influence croissants des organisations non gouvernementales (ONG) dans le contexte de la communication et de la coopération internationale. À travers une diversité d’approches méthodologiques, les articles examinent la communication des ONG, leurs nouvelles stratégies, les enjeux de transparence et d’éthique, ainsi que leur influence dans des domaines tels que la diplomatie publique et la gouvernance mondiale. Ce numéro aborde les défis auxquels les ONG sont confrontées dans un environnement mondialisé en constante évolution, mettant en lumière leur rôle en tant qu’acteurs géopolitiques qui informent et interviennent dans diverses problématiques, renforçant ainsi leur position et leurs compétences dans le système international depuis les années 1990. Les auteurs apportent des apprentissages significatifs sur les techniques, les outils, et les financements utilisés par les ONG, enrichissant ainsi la compréhension des enjeux contemporains de la communication politique des ONG.
La revue souligne également plusieurs implications cruciales pour les communicants au sein des ONG. Tout d’abord, ils doivent s’adapter aux nouvelles méthodes de communication, en restant flexibles et intégrants des approches innovantes. De plus, la globalisation des ONG nécessite la mise en œuvre de stratégies qui transcendent les frontières nationales. La gestion de la transparence, de l’éthique et de la légitimité tiennent un rôle clé pour les communicants, qui doivent assurer une communication responsable. Il devient dès lors essentiel d’acquérir de nouvelles compétences en utilisant les outils de communication contemporains. Enfin, ce dossier incite les communicants à une réflexion critique sur l’avenir des ONG, encourageant une évaluation approfondie du rôle de leur organisation dans la coopération internationale et de son impact potentiel. En résumé, la revue offre une vision approfondie des défis, des opportunités et des évolutions du rôle des ONG à l’échelle mondiale, mettant en avant l’importance cruciale de la communication dans ce paysage en constante évolution.
Clémence MARTIN, Camille VERGARA, Johanna HALIOUA, Juliette LOUPIAC, Galléane ELIMAS (M2, promo 2023-2024)