Compte rendu du dossier « Colères politiques » dirigé par Thierry DEVARS, Quaderni, n°104, 2021.
Quaderni propose dans son 104ème numéro, publié en 2021, d’explorer plusieurs colères, présentes sous diverses formes dans l’espace politico-médiatique. Ce dossier a été dirigé par Thierry Devars, chercheur en sciences de l’information et de la communication. Ce dernier a un parcours plus précisément ancré dans une approche sémiologique et il est spécialiste de l’analyse des matériaux vidéo et des formats médiatiques de la communication politique.
La revue Quaderni interroge la dimension idéologique, normative et utopiste qui s’attache à la communication et aux discours politiques relatifs aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cette dernière s’intéresse aux relations entre pouvoir et réseaux. Elle interroge les relations entre les logiques de pouvoirs et la communication elle-même. Ce dossier s’inscrit donc pleinement dans la revue, car celle-ci traite de la communication et du pouvoir, et plus particulièrement de la communication présidentielle.
Les émotions en politique sont un sujet de recherche de plus en plus étudié. Parmi celles-ci, la colère. Cette émotion, incertaine par son caractère, est présente en politique. C’est la question de son acceptabilité dans le débat public qui pose question. Il est intéressant d’analyser son expression de la part d’acteurs politiques – comme au travers de la reconnaissance de la « saine colère » par Ségolène Royal – mais également dans le cadre des mouvements sociaux. Elle peut aussi bien être désapprouvée et provoquer de la méfiance, mais peut également être vue comme quasi légitime, au nom de la défense du collectif, d’une cause… C’est tout ce paradoxe que tente de mettre en exergue ce dossier. Les auteurs souhaitent se saisir et appréhender la colère, à travers toutes ses formes – cela explique le choix de mettre le terme « colères » au pluriel dans le titre du dossier. Dans le même temps à travers une approche constructiviste, les auteurs du dossier questionnent le rôle joué par les médias d’information, classiques ou numériques, qui mettent en forme cette colère – comment, les producteurs de l’information, matérialisent-ils ces manifestations dans le champ politico-médiatique, dont ils sont les principaux acteurs ? L’émanation de la colère est désormais ressentie par une grande partie des Français et d’autres sentiments connexes peuvent s’ajouter et se répondre, comme nous le verrons dans le second article. En réalité, selon un sondage IFOP du 18 juin 2021, parmi les sentiments ressentis par les Français face à ce que nous donnent à voir les médias, la méfiance (55%) se trouve en première position, devant la colère (18%), puis enfin, le dégoût (17%). La scène politico-médiatique est un des vecteurs, un des espaces où cette colère peut se matérialiser et être rendue visible. La colère peut tout à fait être « politique », et ce numéro nous en donne une démonstration probante.
« Une si saine colère », Emmanuel Taïeb, Étienne Candel
La colère est humaine. Et quoi de plus normal que de la ressentir ? Elle s’inscrit comme une réaction primaire. C’est dans cette logique que l’éditorial de ce dossier nous dresse le portrait de cette émotion. Les auteurs, Emmanuel Taïeb – professeur en science politique et notamment rédacteur en chef de la présente revue, Quaderni – et Étienne Candel – professeur en sciences de l’information et de la communication et co-directeur de Quaderni –, au travers de cette première porte d’entrée au dossier, nous présentent une expression humaine dont il est impossible de se défaire mais qui, pour nos représentants, est proscrite et dévoyée. Dans le même temps, le politique orchestre la colère ou la met en récit. Sa maîtrise s’apparente à un outil communicationnel influent directement sur les émotions des gouvernés. Elle entretient un lien avec l’humanité et influence ; mais pas toujours dans le dessein souhaité. Cet article introductif a pour intérêt de montrer que l’enjeu de ce dossier n’est pas tant de caractériser la colère politique ni d’en analyser ses effets mais d’appréhender ses modalités de mises en scènes médiatiques.
« Colères politiques », Thierry Devars
Thierry Devars ouvre définitivement la porte de ce dossier au travers d’un avant-propos. L’auteur tente alors de définir la colère dans le champ politique – cette émotion ambivalente et paradoxale qui repose sur son acceptabilité sociale au sein de la population. Le dossier, avec son nom au pluriel, souhaite alors explorer la colère dans toutes ses formes, du champ politique et dans ses marges, à l’échelle individuelle mais aussi collective, sous le prisme des médias. Il façonne et visibilise cette construction sociale qu’est la colère. Par la suite, l’auteur s’attache à mener une présentation du dossier. Ce dernier est dès lors présenté en plusieurs parties : les deux premiers articles proposent une réflexion sur les professionnels de la politique, à l’échelle individuelle ; une seconde partie mène une analyse de la colère dans le cadre de mouvements d’opinions, collectifs et notamment ici numériques avec les articles d’Arnaud Mercier et de Lucie Raymond ; puis une troisième partie, avec le dernier article, revient sur l’aspect médiatique, et la mise en visibilité de la colère dans le champ médiatique.
« La colère dans les discours de campagne présidentielle en France : une émotion sous contrainte », Marion Ballet
Dans le premier article, Marion Ballet, chercheuse en science politique, propose une étude de la rhétorique de la colère dans les campagnes politiques en France par les candidats. Pour cela, la chercheuse a constitué et analysé un corpus de près de 4595 contenus de campagnes électorale – déclaration de candidature, professions de foi, clips électoraux et tweets – de chacun des candidats à l’élection présidentielle entre 1981 et 2017. Elle opère une approche quantitative de l’utilisation de cette émotion dans un cadre concurrentiel pour atteindre la fonction suprême. Cette méthode, sur une période longue, permet à l’auteure de dégager les récurrences et les tendances de l’utilisation de la colère, d’un bout à l’autre de l’échiquier politique lors des campagnes électorales présidentielles. Cette méthode, et la place de cet article, permettent de donner une vue d’ensemble de la colère politique, avant d’entrer en détail dans le reste du dossier sur des cas plus spécifiques. Il en résulte que l’utilisation de la colère est codifiée dans le champ électoral, les candidats usant de celle-ci dans leurs discours comme une force qui devrait être domptée car néfaste pour la population si elle n’était pas maîtrisée. La comprendre devient une nécessité pour ne pas paraître loin du peuple, la canaliser ainsi que la transformer en volonté politique, une force. Cependant, la représentation de la fonction présidentielle correspond à celle d’une personne mettant ses sentiments de côté afin d’œuvrer pour l’intérêt général comme le montrera le deuxième article. L’analyse de Marion Ballet démontre en effet que la colère doit être « circonscrite et mesurée » (p.24) afin d’accéder à l’Elysée en prenant de nombreux exemples comme celui de Ségolène Royal lors du débat de second tour de l’élection présidentielle de 2012. Son analyse permet enfin de dissocier l’utilisation de la colère effectuée par les partis situés aux extrêmes de l’échiquier politique – où, à l’extrême-gauche, cette émotion est utilisée afin de mobiliser contre les injustices sociales, et, à l’extrême-droite, la colère est alors destinée à s’opposer au « système » responsable de tous les maux de la société. Ainsi, cet article, assez descriptif, permet de démontrer que les acteurs politiques tentent de manipuler ce sentiment de colère pour influer sur leur élection, mais qu’elle est également située politiquement en fonction de son utilisation.
« Les foudres de Jupiter : une médiatique de la colère présidentielle », Thierry Devars
Après un article voué à définir la colère en politique dans sa pluralité, le coordinateur de ce numéro de revue, Thierry Devars propose une analyse des expressions de la colère de la figure présidentielle. Méthodologiquement, le présent article tire sa particularité du fait qu’il se penche sur une étude de cas afin de servir son objet « l’étude de la colère médiatique » en s’appuyant sur les sciences sociales. La dimension conceptuelle est incorporée ne serait-ce qu’à la posture, au fait de mettre la focale sur les formats, la matérialité de l’émotion. Cette approche permet de montrer que la colère s’incarne dans des formes, qu’elle n’est pas un sentiment désincarné. Concrètement, l’auteur mène son analyse au travers d’un corpus de 114 articles obtenu à partir de la requête « colère d’Emmanuel Macron » formulée sur le moteur de recherche Google sur la période du 7 mai 2017 au 31 janvier 2021. Thierry Devars mène alors une étude sémiotique du métadiscours des émotions politiques et plus précisément de la colère. Cela permet d’éviter les écueils ainsi que de ne pas se focaliser sur ce que constitue la colère en elle-même et ce qui la différencie des autres sentiments. En effet, ces derniers pourraient être perçus comme une gêne – notamment pour l’interprétation, et de par son caractère « labile et fugace ». Thierry Devars s’attache ainsi à expliciter que penser la colère constitue également son approche théorique. La théorie et la méthode sont ici fortement corrélées. Seulement, comme l’explique l’auteur, des limites se posent, tel le choix méthodologique délicat de catégorisation des sentiments, et particulièrement par la sémiotique et ses signes. Ce corpus de presse n’ayant pas été constitué au travers d’un logiciel spécialisé comme Europress ou Factiva, sa représentativité peut être interrogée. En s’appuyant sur une analyse quantitative afin de connaître les modalités de la médiatisation et les représentations de cette colère, l’auteur mène donc une étude en trois parties. Il met en exergue deux dynamiques socio-historiques : une « institutionnelle » et une seconde, « médiatique ». Ainsi, apparaît un régime de mise en visibilité des émotions des personnalités politiques par et dans les médias. Sur la base d’une analyse sémantique menée par l’auteur, il est possible d’établir une représentation journalistique des colères d’Emmanuel Macron. Pour citer Thierry Devars, « l’infotainment » s’est installée, les colères des figures politiciennes sont devenues un « angle » de traitement et, par la suite, « l’acceptabilité sociale » de la colère s’est ancrée. Cela permet au président de la République de renforcer sa figure présidentielle, du fait de la reconnaissance immédiate de la colère comme signe positif de l’exercice du pouvoir et enfin le corps journalistique s’assure de la colère comme angle en valorisant « paradoxalement son caractère spectaculaire ». En outre, l’article permet la compréhension suivante : la représentation de la colère s’inscrit dans le cadre d’un récit médiatique qui, tout en traquant le moindre écart normatif, alimente ainsi pleinement la reconnaissance publique de l’autorité présidentielle.
Cependant, la colère politique est aussi afférente aux citoyens : l’article suivant du dossier permet d’y porter ce regard.
« Les modalités de la colère citoyenne sur Twitter », Arnaud Mercier
Dans le troisième article de la revue, Arnaud Mercier, docteur en sciences politiques, mène une analyse des modalités de l’expression de la colère sur le réseau social numérique Twitter, en sortant en premier lieu du cadre de la définition moralisatrice de la colère. Elle est dans cet article définie ou plutôt rattachée à une extériorisation comprise après un sentiment d’injustice, d’une perte de repère ou de confiance envers une institution ou personnalité politique, Twitter étant un réseau majeur dans l’espace public désormais redessiné, où la prise de parole de chacun est libre dans les contours de la liberté d’expression. Grâce aux réseaux socionumériques, chaque usager bénéficie d’un cadre de libre expression. Il peut ainsi affirmer son existence sociale et son identité. L’auteur se demande si Twitter a fait naître, puis décupler l’expression vive de la colère, ou si l’expression de la colère sur ce réseau social n’est qu’un enchaînement logique vis-à-vis de la frustration connue par les usagers. Apprécions ensuite qu’Arnaud Mercier analyse les différentes expressions de la colère, les formes que prennent l’expression de la colère et la manière dont sont alimentés et complétés les tweets des usagers – des hashtags, à la ponctuation, en passant par les émojis utilisés. L’auteur a entre autres analysé l’utilisation de l’hashtag « #colère » à des dates ponctuelles – du 2 avril 2021 ou du 13 avril 2017. Concernant ce terrain d’observation, Arnaud Mercier met en œuvre, selon ses termes, une « simple plongée dans Twitter ». Ces analyses ainsi portées, les conclusions sont alors orientées vers une mise en corrélation entre ces évolutions technologiques – Twitter comme nouvel espace d’expression public – et la volonté d’affirmer son identité dans une société individualiste. La construction complexe de cette identité est alors indexée au ressentiment envers le gouvernement et les institutions.
Si Twitter de par sa forme et son agencement est un terrain propice à l’expression de la colère, l’auteur ne souligne pas que la colère est tout d’abord exprimée en fonction d’un contexte socio-culturel. Cela peut ainsi provoquer l’entrée au sein de groupes qui propagent des discours complotistes ou l’arrivée d’un ressentiment favorable envers des figures qui se déclarent « antisystème ». Cela mène dès lors à la lecture du prochain article.
« De la colère à la haine dans les discours « antisystème » : la rhétorique du ressentiment chez Alain Soral », Lucie Raymond
Lucie Raymond, docteure en sciences de l’information et de la communication, dans ce quatrième article de la revue, met en exergue un ensemble de codification et de canalisation des passions tristes qui sont transmises au travers des discours antisystèmes. Elle s’est intéressée à ces derniers, notamment, au cours de sa thèse doctorale. Lucie Raymond analyse plus précisément la rhétorique du ressentiment en la personne d’Alain Soral, qu’elle va jusqu’à qualifier d’« idéologue du ressentiment ». Remarquons que, pour ce faire, l’auteure établit sa méthodologie, comme dans l’entièreté de notre dossier, sur une étude sémiotique articulée à l’analyse du discours : une étude sémio-discursive. Notons que cette méthode est assez originale en ce que Lucie Raymond diversifie les formats : elle mobilise des supports écrits avec toute une production du polémiste dont neuf de ses livres publiés entre 1996 et 2014, mais aussi des supports numériques avec le site de son association politique, Égalité et Réconciliation, ainsi qu’une trentaine de vidéos publiées sur la chaîne YouTube Alain Soral entre 2011 et 2020. Il est à souligner que l’auteure pose un cadre définitionnel et historique, donnant ainsi lieu à un triptyque résumant la projection de cette rhétorique du ressentiment par la victimisation, une moralisation de la haine envers les dominants et un choix ciblé d’un ennemi unique. Apprécions ensuite sa décision de démontrer la structuration discursive concrète du ressentiment dans le cas d’Alain Soral. Lucie Raymond constate, à partir de l’étude de son corpus, que malgré la démultiplication des espaces d’échange et une colère qui n’est pas visible de par son statut d’« agitateur », il n’y a cependant pas de dissensus ni de volonté de création de groupement(s) politique(s). La captation de cette colère et ces passions tristes nous laissent alors entrevoir que les citoyens, par leur libre arbitre, entreprendront des choix qui se matérialiseront par des votes principalement tournés vers l’extrême-droite.
« Des ronds-points au Capitole : corps et décors d’une colère politique », Rym Gerwig-Kireche, Philippe Marion
Dans le cinquième et dernier article de ce dossier, Rym Gerwig-Kireche – docteure et chercheuse en sciences de l’information et de la communication – et Philippe Marion – docteur en communication sociale et spécialiste du récit médiatique – exercent une lecture des corps en politiques. L’article porte sur la manière dont les performances corporelles des manifestants reconfigurent politiquement et symboliquement des espaces investis. Ainsi, les auteurs ont mené une étude comparative des mouvements politiques contestataires que sont les Gilets jaunes apparus en France en octobre 2018 ainsi que celui des partisans de Donald Trump suite à la défaite de ce dernier pour briguer un second mandat. Les auteurs s’attachent à les analyser au travers de deux évènements spectaculaires au fort traitement médiatique : pour le premier, la dégradation de l’Arc de Triomphe lors d’une manifestation des Gilets jaunes le 1er décembre 2018 ; pour le second, l’assaut lancé par les trumpistes sur le Capitole le 6 janvier 2021. Concrètement, les auteurs mènent une analyse scénographique, narratologique et médiatique de la mise en visibilité des corps dans le cadre de l’expression des colères citoyennes. Il en résulte que la colère par et dans les corps est vecteur de cohésion d’un groupe en ce que sa mise en scène constitue un élément de reconnaissance entre pair – pour exemple, les gilets jaunes. Dans le cas de Trump, la colère est utilisée par ce dernier afin de mobiliser ses électeurs contre un système – cela entre alors en écho avec l’analyse sur l’extrême-droite menée par Marion Ballet au début du dossier. La colère alors manifestée dans l’espace social par un groupe, devient la caractéristique sociale unissant ce même groupe. Ainsi, elle apparaît comme une réponse sémiotique aux choix politiques dans l’espace public. La colère se nourrit du mouvement et des corps – offrant ainsi des spectacles d’une rare densité sémiotique.
Enfin, les auteurs en viennent à faire émerger une « narratologie des colères » animant le traitement médiatique – avec des variantes car s’adaptant aux individus, aux foules des deux mouvements étudiés. Donnant ainsi une étude nouvelle aux reconfigurations symboliques et politiques des espaces par les corps, les auteurs auraient pu effectuer, en connaissance de causes, une étude plus vaste au travers du prisme de la médiatisation – cet aspect manquant pour une totale adéquation de l’étude exercée avec le titre de l’article.
Conclusion et perspectives
Les colères dans leur diversité ont donc été étudiées dans ce dossier qui se situe à l’intersection des sciences de l’information et de la communication et des sciences politiques. Sa progression est logique et étayée avec un éditorial, une introduction et un premier article remettant en place les notions centrales. Les articles qui composent le dossier explorent les enjeux de cette colère dans différents champs et soulèvent plusieurs problématiques novatrices. Par exemple, Lucie Raymond, sur la base d’une étude plus approfondie d’un sujet plus large de thèse doctorale, transpose la colère à son objet d’étude – les antisystèmes – et nous rend compte, notamment, des logiques afférentes au ressentiment, un sentiment proche de la colère.
Certains auteurs restent ancrés dans une seule et même logique définitionnelle de la colère comme Marion Ballet ; d’autres évoquent des aspects plus performatifs de la colère comme Philippe Marion ; certains, enfin vont encore plus loin en proposant une sortie catégorique de la logique de la colère comme le fait Arnaud Mercier.
Nous pouvons regretter que le présent dossier, qui s’attache si bien à définir le terme colères, ne s’adonne pas à un exercice similaire sur le terme politiques, pourtant second terme du nom du dossier – ce dernier possédant plusieurs définitions. Cela aurait notamment permis de mieux appréhender le positionnement des auteurs, et le cadre du dossier.
Nous pourrions tout aussi questionner l’utilisation adéquate des aspects qualitatifs et ceux quantitatifs et leurs applications aux méthodes voulues par les auteurs. Il y aurait un risque de tomber dans le qualitatif uniquement, et ce, compte-tenu de la portée émotionnelle que revêt la colère. Seulement, la sémiotique qui est mise en œuvre dans la totalité des articles du présent dossier par des chercheurs en sciences de l’information et de la communication – accompagnée de la mobilisation d’une pluralité d’auteurs en sciences sociales – donne au dossier une forte cohérence, même si l’équilibre entre le quantitatif et le qualitatif aurait été intéressant à exploiter.
Ce dossier s’attache également à avoir quelques diversités méthodologiques. En effet, Lucie Raymond s’attache à diversifier les formats pour mener son analyse à l’instar de Marion Ballet, et contrairement à Arnaud Mercier et Thierry Devars qui, dans leurs articles respectifs, s’attachent à étudier la colère au travers d’un seul format – en l’espèce les tweets pour le premier, et les articles de presse pour le second.
L’étude de la colère, dans les premier et deuxième articles, en campagne électorale lors de la présidentielle, puis ensuite son utilisation au poste de président de la République, permet de visualiser toute l’ambivalence de son emploi par le personnel politique.
Nous notons qu’Arnaud Mercier ne souligne pas au sein du troisième article que la colère est tout d’abord exprimée en fonction d’un contexte socio-culturel. Et ce, alors même que Rym Gerwig-Kireche et Philippe Marion s’attachent, au sein du dernier article du dossier, à analyser la colère sous le prisme de contextes socio-culturels précis.
Finalement, la diversité des auteurs aura permis au dossier d’avoir une approche nouvelle autour des colères, mais surtout une approche globale. Par diversité des auteurs, nous entendons notamment le fait qu’ils soient certes tous en lien avec les sciences de l’information et de la communication, mais surtout qu’ils aient tous des expertises complémentaires au sein de ce domaine.
Il serait possible de recentrer l’étude des émotions à partir d’autres études empiriques permettant d’expliquer d’autres phénomènes de communication politique et publique, tels que la participation. Aux États-Unis, Steven W. Webster dans American Rage, How Anger Shapes Our Politics en 2020, conclut que les élites politiques cherchent stratégiquement à susciter la colère de leurs partisans ; en adoptant ce comportement, la colère des électeurs entraîne leur loyauté. Il explique que quand les électeurs sont en colère, ils sont plus susceptibles de voter pour la liste de candidats de leur parti à plusieurs niveaux du système électoral fédéral.
Adam BENAMMI – Raphaël JORGE – Jean-Baptiste LACHENAL – Jérémy LAVAURE – Matthieu TULLET