Aujourd’hui, la quasi-totalité des faits politiques font l’objet d’une importante couverture médiatique. Cette dernière insiste particulièrement sur le décodage des faits et gestes des responsables politiques, en passant par la reconnaissance d’action et d’initiatives des politiques ; mais aussi en pointant des pratiques frauduleuses comme par exemple des comptes de campagnes non réglementaires. A ce titre, cette communication tient à réaliser une transparence de l’information politique.
C’est notamment sur ce dernier point que Médiapart a tenu à communiquer lors d’une soirée publique de témoignages et d’alertes sur la société civile : les ravages de la corruption. Un mot d’ordre : sensibiliser le plus grand nombre sur les dangers quotidiens de la corruption et ainsi pointer les « faiblesses françaises, culturelles politiques ou institutionnelles, qui empêchent d’endiguer durablement ce problème »[1]. Ces faiblesses françaises sont dues notamment à une magistrature complexe, que Roberto Scarpinato différencie de la magistrature italienne : « A la différence des autres pays européens, la Constitution antifasciste de 1948 établit l’indépendance du pouvoir politique pour les magistrats du siège et pour le Parquet, c’est là un point essentiel ».[2]
C’est dans ce but que Médiapart a organisé un débat, le dimanche 19 octobre 2014 qui s’est tenu au théâtre de la Ville de Paris.
Le débat a été présenté par Edwy Plenel, co-fondateur de Mediapart, un site d’information qui se mobilise pour alerter la société civile des dérives politiques. Les débats ont été animés par Fabrice Afri, Benoît Collombat et Antoine Peillon. Tous les trois journalistes, ils ont récemment écrit des ouvrages, respectivement : « le sens des affaires », « Histoire secrète du patronat», « Corruption ». Ils ont animé différentes tables rondes toutes porteuses de messages d’indignations mais aussi d’une volonté d’action. Ces débats ont notamment accueilli des personnalités telles que François Morin, économiste et professeur de sciences économiques à l’université de Toulouse, ou Monique Pinçon-Charlot, sociologue et notamment directrice de recherche au CNRS jusqu’en 2007.
Parmi ces témoignages, celui de Roberto Scarpinato, le procureur général auprès du parquet de Palerme. Son discours a renforcé le but de la soirée : avertir le citoyen. Par ailleurs, il est l’auteur de plusieurs ouvrages destinés à dévoiler au public la lutte contre la corruption, ce qu’il réalise dans son dernier livre « Le retour du Prince ».
R. Scarpinato a eu des paroles marquantes sur la « défense de la démocratie et de la légalité républicaine contre le cancer de la corruption ». Le contexte dans lequel s’opère la corruption en Italie est différent qu’en France. D’une part, des organisations comme la Mafia ne sont pas présentes en France. Et, d’autre part, les actions contre la corruption italienne sont soutenues par l’indépendance de la magistrature : « c’est donc grâce à cette garantie de l’indépendance assurée par la Constitution de 1948 que la magistrature italienne a eu la possibilité de juger des milliers de représentants du monde politique et économique accusés de corruption et de complicité avec la mafia. »
Roberto Scarpinato s’occupe depuis vingt-cinq ans d’enquêtes et de procès concernant la corruption, la mafia, les assassinats et les massacres politiques. A ce titre, ce personnage se considère en quelque sorte comme un « survivant ».
Les discussions évoquées lors de cette soirée ont été diverses de par l’hétérogénéité des intervenants : universitaire, sociologue, philosophe, économiste, policier. Elles ont suscité l’intérêt mais aussi l’interrogation sur ce sujet considérable, comme comment poursuivre cette action de communication auprès de la société civile afin de rendre ce sujet davantage visible.
La Ministre de la Justice, Christiane Taubira, qui a assisté à cette soirée, a réagi sur ce « sujet considérable et lamentablement actuel » plus tard sur Médiapart, souhaitant apporter des précisions sur le sujet pour « éclairer et mobiliser ». Elle a en quelque sorte nuancé les déclarations de la soirée en mettant en avant la loi du 6 décembre 2013 sur la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière : un texte qui accorde notamment aux associations le pouvoir de se constituer partie civile. Par exemple l’association Transparency international a obtenu son agrément pour agir. Elle rappelle aussi la protection du statut de « lanceur d’alerte » avec le renforcement de la protection juridique de tous les salariés.
En guise de clôture, Médiapart et les intervenants de la soirée signent leur volonté de poursuive l’action en publiant une pétition représentant un « appel contre la corruption, ce fléau qui met l’Etat de droit en péril et installe une insupportable fatigue démocratique ». Elle a été mise en ligne sur le blog de Mediapart et atteint aujourd’hui plus de 16 000 signataires. Cette pétition est le prolongement concret de cette soirée publique : sensibiliser et investir le citoyen dans cette cause qu’est la lutte contre la corruption.
Crédits photos : Isaline Collet et Sabrina Weber-Gloaguen