Depuis mon arrivée à Berlin, j’ai vu fleurir dans les rues les affiches pour les candidats allemands aux élections européennes et se multiplier les articles dans les journaux. Le 25 mai 2014, les allemands éliront 96 députés européens, sur 751 au total dans le parlement. 25 partis se présentent pour ces élections, cependant, six d’entre eux sont plus à même de gagner des sièges selon les sondages. Les deux principaux partis Allemands sont la CDU (l’Union Chrétienne-Démocrate d’Allemagne), le parti centre droit d’Angela Merkel, et le parti de centre gauche, le SPD (le Parti-Social Démocrate d’Allemagne). Les quatre autres sont les Grünen (le parti vert), le FDP (le parti libéral-démocrate), Die Linke (un autre parti socialiste plus à gauche que le SPD), ainsi que l’AfD (un nouveau parti eurosceptique de droite). Leurs affiches pour la campagne européenne révèlent certains points de l’état de la politique allemande, et de la position de l’Allemagne face à l’Europe.
Ce qui est immédiatement frappant est qu’Angela Merkel est présente sur les affiches pour les élections de la CDU, alors que David McAllister, la tête de liste du parti pour ces élections, n’y figure pas. En effet, la CDU compte jouer pour ces élections sur leur atout majeur : la popularité dont jouit Angela Merkel, bien qu’elle ne soit pas candidate.
Le parti de centre-droit a pour cela réutilisé le slogan des législatives de septembre 2013 « Réussir ensemble » auquel il a simplement ajouté « pour l’Europe ». Les deux photos utilisées pour ces campagnes sont également très semblables, de même que la tenue de la chancelière. L’objectif de la CDU est simple : réutiliser une campagne qui a bien fonctionné pour les élections législatives. Il est cependant probable que David McAllister apparaisse sur les prochaines affiches de la CDU.
Son concurrent principal, le SPD, a pour avantage d’avoir Martin Schulz, le président du Parlement Européen comme tête de liste, et c’est principalement autour de ce candidat que s’oriente la campagne allemande. Etant également la tête de liste des socialistes et sociaux-démocrates européens, son candidat concurrent principal est l’ancien Premier Ministre du Luxembourg, Jean-Claude Juncker, tête de liste des conservateurs européens, et non pas David McAllister, le candidat de la CDU, ce qui rend cette campagne de 2014 beaucoup plus européenne que nationale. Les slogans du SPD sont assez neutres, comme par exemple, « Une Europe des peuples » ou « Une Europe de la croissance », qui auraient aussi bien pu être des slogans de la CDU. Leur campagne est avant tout centrée autour de leur atout majeur : Martin Schulz, dont le visage orne partout les murs de Berlin.
Cependant, les programmes de la CDU et du SPD sont similaires en de nombreux points. La campagne des deux partis est également centrée sur le combat contre les eurosceptiques qui se multiplient en Allemagne. Leur bataille principale se fait contre le nouveau parti eurosceptique Allemand : l’AfD (Alternative für Deutschland) qui prend de l’ampleur. Un sondage Bild lui accorde 7 % des intentions de vote aux prochaines élections européennes. L’AfD mène campagne avec le slogan «Du courage pour l’Allemagne», et différentes phrases telles que « Plus pour les citoyens. Moins de Bruxelles » ou encore « L’immigration nécessite des règles claires ».
De leur côté, les Verts se concentrent sur des thèmes traditionnels écologistes sans prendre trop de risques: le nucléaires, les OGM, le climat… En effet, ils pâtissent toujours du scandale déclenché pendant la campagne des élections législatives, suite aux révélations des propos tenus en 1981 par leur principal porte-parole, Jürgen Trittin, à propos de la potentielle dépénalisation, dans certaines conditions, des actes sexuels entre adultes et enfants. Crédités de 15%, ils n’avaient finalement obtenu que 8,4% des votes, et ont été relégués à la 4ème place en étant dépassés de peu par le parti de gauche Die Linke (8,6%). Ils tentent donc de récupérer leur électorat en s’accrochant à des thèmes classiques des partis écologistes.
La campagne européenne est extrêmement visible en Allemagne : elle est très discutée dans les journaux, à la télévision et les affiches de campagnes sont omniprésentes à Berlin. Comparativement, France Télévision a récemment refusé de diffuser le premier débat présidentiel européen du 28 avril, et ne prévoit pas non plus de diffuser celui du 15 mai. La campagne est plus discrète en France, et également plus courte : elle ne durera qu’en moyenne 5 semaines en France, alors qu’elle aura duré 7 semaines en Allemagne. Cela vient peut être du lien particulièrement fort, et souvent critiqué, que l’Allemagne entretient avec l’Europe. Si l’expression « Europe Allemande » s’est répandue avec cette critique, l’importance qu’à la campagne européenne me fait aussi penser qu’existe une « Allemagne européenne », avec une culture européenne plus forte en Allemagne qu’en France.
Manon Petit
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Sources :
1) http://www.zeit.de/politik/deutschland/2014-04/europawahl-kampagne-laender-spd-martin-schulz-gruene-merkel-linke
2) http://abonnes.lemonde.fr/europeennes-2014/article/2014/04/07/en-allemagne-conservateurs-et-sociaux-democrates-a-l-unisson-contre-les-eurosceptiques_4396900_4350146.html
3) http://www.zeit.de/politik/deutschland/2014-04/europawahl-cdu
4) http://www.welt.de/politik/deutschland/article126583702/Fuer-Juncker-ist-auf-den-CDU-Plakaten-kein-Platz.html
5) http://www.lefigaro.fr/international/2013/04/12/01003-20130412ARTFIG00613-l-allemagne-se-dote-d-un-parti-eurosceptique.php
6) http://www.welt.de/politik/deutschland/article126483737/Bei-der-Europawahl-meiden-die-Gruenen-jedes-Risiko.html
Crédits photo :
CDU : http://www.zeit.de/politik/deutschland/2014-04/europawahl-cdu
SPD: http://www.spd-berlin.de/europawahl-2014/europawahl-2014-die-plakate/?pic=1&gal=gal_0
AFD : http://www.afd-rhein-lahn.de/mitmachen/plakatspenden/
Grünen : http://www.gruene.de/themen/europa/unsere-kampagne-fuer-ein-besseres-europa.html