Les étudiants du Master 1 Communication politique de l’UPEC ont eu le plaisir d’accueillir pour la seconde année consécutive Steven Jambot, journaliste pour France 24, qui leur a présenté son métier. Cet intéressant témoignage vous est retranscrit dans cet article.
Un journaliste au parcours atypique : du média étudiant au média professionnel
Attiré très tôt par le journalisme, Steven Jambot se lance dans une Licence d’Histoire à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris I) après avoir échoué au concours de Science Po à la sortie du baccalauréat. Au cours de ce cursus, il s’investit dans les médias étudiant, ce qui lui permet notamment de couvrir les blocus étudiants du Contrat Première Embauche (CPE) à Tolbiac en 2006 pour le compte de Radio Campus Paris. Il a également fondé Contrepoint, média étudiant encore existant aujourd’hui. Ce premier contact avec le milieu des médias sociaux et du journalisme le forme à l’exercice de l’interview politique, que ce soit dans la rue ou en studio. Steven Jambot intègre, suite à cette Licence, l’école de Journalisme de Toulouse.
Il découvre ensuite une pratique journalistique différente de celle de ses années de Licence au travers de stages divers. En tant que journaliste localier pour le Ouest France à Vire (Calvados) par exemple, Steven Jambot a été confronté à un monde associatif et politique local à apprendre et à apprivoiser.
Twitter, un outil journalistique majeur
C’est au cours de sa Licence d’Histoire que Twitter émerge en France. Les tweets se font à l’époque par SMS, ce qui permet déjà à chacun d’avoir une grande réactivité par rapport à l’actualité. Dans le contexte du CPE, Twitter, bien qu’encore peu utilisé, permet aux syndicats étudiants de coordonner des actions et de donner des rendez-vous, mais également à des apprentis journalistes comme Steven Jambot de faire un travail de veille général.
C’est lors d’un stage en rédaction multimédia sur France Info à Paris que le réseau social Twitter se révèle être un outil médiatique majeur. Un tweet évoque un accident ferroviaire en Belgique avant même la sortie d’une dépêche AFP, et cela permet à la radio d’avoir un traitement anticipé de cette actualité par rapport aux autres médias.
Les réseaux sociaux comme source d’information journalistique, un danger ?
Il faut distinguer une information brute, issue de Twitter par exemple, de celle qui est vérifiée et filtrée par le journaliste. Le croisement des sources fait partie intégrante de l’éthique journalistique.
Les réseaux sociaux représentent une opportunité pour les journalistes d’avoir accès à un « vivier » de témoins, autant de sources et de ressources pouvant servir à alimenter l’information en temps réel.
L’immédiateté de l’information permise par internet a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment du fait de l’effet de ce phénomène sur l’analyse médiatique. Néanmoins pour Steven Jambot, cela ne nuit pas à l’analyse dans la mesure où des médias se spécialisent dans l’immédiateté avec de l’analyse rapide (Le Lab d’Europe 1 par exemple) tandis que d’autres iront plus en profondeur, donc moins dans l’immédiateté (Mediapart). Si le format court est privilégié dans le traitement de l’information immédiate, le format long n’est plus pour autant l’apanage de « vieux routards » du journalisme, et les articles de fond avec un grand nombre de signes peuvent également trouver leur place dans ce traitement, internet permettant à l’auteur d’un article de revenir dessus afin de l’étoffer avec de nouvelles informations, des images ou des tweets, ou encore une analyse plus approfondie si besoin.
La qualité des articles, et le temps imparti aux journalistes pour les traiter, sont proportionnels aux moyens dont disposent les patrons de presse et au fonctionnement des rédactions. Or aujourd’hui, rares sont les journaux qui peuvent se permettre les temps longs (définition en note de bas de page).
Il reste cependant vrai que les politiques peuvent avoir tendance à jouer sur cette immédiateté de l’information. Ils essaieront ainsi toujours de placer leurs meetings de campagne ou leurs grandes déclarations au plus proche du Journal Télévisé de 20h, voire pendant, afin que le temps d’analyse de l’information soit le plus court possible.
Certains médias ont même fait des réseaux sociaux leur source principale, voire exclusive, à l’image de Rue89, qui n’utilise pas l’AFP, Reuters ou les autres agences d’information, mais seulement Twitter. L’AFP n’a par conséquent plus aujourd’hui le monopole de l’information, et ses dépêches sont devenues accessibles à tous sans abonnement grâce aux réseaux sociaux, et plus particulièrement à Twitter. Les médias doivent néanmoins être abonnés pour reprendre les informations brutes fournies par l’AFP et pouvoir la citer en source.
Le cercle vicieux de l’information instantanée
La course à l’immédiateté de l’information est née d’une volonté des médias d’avoir un coup d’avance sur la concurrence, le premier média détenant une information gagnant en audience/lecteurs. Mais si cette immédiateté s’est développée et est si recherchée par les journalistes, c’est aussi parce qu’aujourd’hui le public la recherche. Il est avide d’une information toujours plus actualisée, et c’est la raison pour laquelle les chaînes d’information en continu telles que iTélé ou BFM ont tant de succès. Le public a donc une grosse responsabilité dans ce cercle vicieux, mais malgré tout l’information comme les chaînes qui la diffusent demeurent d’une grande diversité.
Transition vers le numérique
La transition de l’information au moyen des médias traditionnels vers l’information par le numérique s’est imposée au fil des années et il est désormais inimaginable qu’un média, quel qu’il soit, n’ait pas de version en ligne (exception faite de la presse amish qui est un cas à part). Pour cause, de plus en plus d’informations sont véhiculées via des dispositifs mobiles, smartphones et tablettes (plus de 50% des internautes sur lemonde.fr le font depuis ces outils).
Malgré tout, les ressources publicitaires ne décollent pas. Cette transition ne peut par conséquent être considérée comme pleinement effective dans ce domaine dans le sens où aucun modèle économique idéal, et donc viable, de l’information en ligne n’a encore été trouvé. Le freemium, le premium, ou encore plus récemment la « lecture ZEN » restent donc aujourd’hui la seule façon pour les sites d’information de générer des revenus. On peut toutefois imaginer que cette transition puisse aboutir à du placement de produit intelligent, de la publicité innovante et subtile. Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas encore trouvé le moyen de mesurer l’impact de la publicité sur les internautes, et les espaces publicitaires en ligne n’entraînent par conséquent qu’une recette minime.
Si cette transition numérique s’est imposée, on ne peut pour autant la considérer comme achevée, et nous ne le pourrons sans doute jamais dans la mesure où surviendront toujours des innovations technologiques qui apporteront de nouvelles perspectives aux médias, et a fortiori aux journalistes, auxquelles ils devront s’adapter. La prochaine de ces évolutions viendra sûrement avec Oculus. Cet outil revêt une potentialité énorme en termes de jeux vidéo comme de journalisme et d’actualité. Cela permettra par exemple d’assister à un match de foot sans y être, ou encore de faire des reportages en incluant le public. Le journaliste ne sera dès lors plus le simple intermédiaire d’un fait mais celui qui l’analyse, la décrypte, la met en perspective, sort les off,… À l’ère des réseaux sociaux, la Une aujourd’hui c’est Twitter ou Facebook. Au sein de cette nouvelle donne médiatique, le journaliste est à la fois prescripteur et curateur¹, mais ce n’est plus lui qui dicte l’information.
Pour se démarquer et faire vendre, l’immédiateté de l’information n’est plus suffisante, les journalistes sont maintenant amenés à réapprendre à raconter des histoires afin de les rendre plus attractives. Les supports ne sont pas les seuls responsables de la « crise des médias », ce sont aussi aux journalistes de trouver des solutions et de se renouveler (ViceNews, Snatch).
Digression : Comment bien gérer ses relations presses en tant que communicant ?
Qui pourrait mieux expliquer les trucs et astuces à utiliser pour bien s’entendre avec un journaliste, et obtenir de lui quoi que ce soit, qu’un journaliste lui-même ? Sûrement personne. Je suggère par conséquent fortement à ma lectrice ou à mon lecteur de retenir les lignes qui vont suivre si elle ou il considère qu’il y a une infime probabilité pour qu’elle ou il soit amené(e) à effectuer de la relation presse.
En 2013 déjà, lors de sa dernière intervention à l’UPEC, Steven Jambot disait que les relations entre journalistes et communicants se résumaient à « je t’aime moi non plus ». Et ça n’a pas changé. Pour le journaliste, un communicant c’est de base des problèmes. Quand un communicant appelle c’est souvent pour inviter le journaliste à des événements, à grand renfort de superlatifs sur la qualité dudit événement. C’est généralement mauvais signe. Quoi qu’il en soit, dans ce genre de situation, il est préférable que le communicant se soit bien renseigné sur le domaine de compétence de son interlocuteur, qu’il ait bien contacté le journaliste responsable de la rubrique dans laquelle s’insère son événement. minimum ? On pourrait le croire, néanmoins il est fréquent que la personne contactée ne soit pas la bonne, ce qui fait inévitablement perdre du temps à la fois au communicant et au journaliste. C’est pourquoi il est important de tenir à jour un tableur Excel avec des informations relatives aux journalistes.
Contacter un journaliste, cela demande un certain timing. Il faut s’adresser à lui au bon moment. Le bon moment, ce n’est ni durant sa réunion du matin (9h ou 10h) ni le soir au moment du bouclage. Pour la presse magazine, il faut avant essayer de savoir quand le journal parait : une information donnée à un journaliste juste avant la conférence de rédaction alors qu’il n’avait rien à présenter augmentera les chances qu’elle soit publiée, et aidera à la mise en place d’une relation coopérative entre communicant et journaliste.
Comment contacter un journaliste ? Contacter directement le journaliste sur son téléphone personnel est ce qu’il y a de plus simple et rapide, mais à défaut le standard reste un recours. Les outils numériques peuvent également se révéler très utiles à ce titre : Twitter est aujourd’hui un bon moyen de prévenir un journaliste d’un événement.
Le mail est également une option mais il vaut mieux respecter certaines règle en y ayant recours afin d’optimiser les chances de réponse. Il n’est pas nécessaire de « bombarder » le journaliste de mails, un premier mail à trois semaines de l’événement et un rappel quelques jours avant suffisent. Il faut également être clair dans le message et l’objet du mail et ne pas se contenter de joindre un dossier explicatif au mail. Le communicant n’est pas le seul à envoyer des mails au journaliste, et même si c’était le cas, à hauteur d’un communicant par élu et par institution, cela représente vite une quantité non négligeable de mails, et le journaliste ne s’amusera donc pas à ouvrir la pièce jointe de chaque mail qu’il reçoit : un corps de mail clair et précis faisant doublon à la pièce jointe permettra peut-être d’accrocher son attention et d’entraîner la lecture de la pièce jointe ou au moins que l’information soit retenue. Et personnaliser la relation c’est mieux, alors dans un message à destination du journaliste il est toujours bonifiant de montrer que ce dernier n’est pas simplement un nom dans une liste de contacts.
Enfin, on part du principe que le politique, comme le journaliste, ne vont pas forcément écouter leurs messages vocaux, le SMS permet alors d’entrer en contact sans prendre le risque de déranger. Cela suppose cependant d’être en mesure de se procurer son numéro.
Le journaliste 2.0, un journaliste hors sol ?
Il arrive que les analyses diffèrent selon que les journalistes qui en sont à l’origine sont sur le terrain ou non. Mais les journalistes de terrain ne sont pas moins faillibles que les autres, et ne pas prendre de recul par rapport aux événements pourra s’avérer tout autant néfaste que de se déconnecter du terrain. Le rédacteur en chef doit par conséquent lorsqu’il le juge pertinent se tourner vers le journaliste et lui donner des infos de contexte supplémentaires. L’actualité de terrain et en ligne composent ce qu’on appelle le « journalisme shiva », un journalisme polyvalent nécessitant des compétences multiples. Ce type de journaliste est le plus courant aujourd’hui. Twitter permet notamment de faire du live blogging multisources avec des listes de contacts de journalistes issus du monde entier et traitant d’un même sujet.
De plus, le journaliste 2.0 peut aujourd’hui être considéré dans un sens comme un journaliste de terrain dans la mesure où internet est devenu un lieu d’actualité à part entière. Internet est notamment un terrain politique. Des médias se sont donc développés pour couvrir cette actualité. Ainsi, le blog Les Décodeurs hébergé par Le Monde montre par le fact-checking participatif qu’il propose comment les média 2.0 peuvent être à la fois une source supplémentaire d’information et un moyen de contrôle de la parole politique. C‘est un bon exemple du journalisme moderne.
Présentation en exclusivité….
Très récemment, Steven Jambot a réalisé un webdocumentaire sur la migration numérique des audiences à paraitre dans quelques mois sur Arte. Cette émission montrera notamment comment le numérique a changé notre façon de consommer de l’information. A titre d’avant-goût, sachez qu’en Allemagne, le journal gratuit type 20 minutes ou Metro n’existe pas, et comme leurs forfaits mobiles sont plus chers et leurs connexions plus lentes qu’en France par exemple, les allemands utilisent moins les Smartphones. La presse papier y demeure par conséquent très forte (Die Bild vend environ 2 millions d’exemplaires quotidiennement).
Vous pouvez suivre @StevenJambot sur Twitter pour en savoir plus sur son traitement de l’actualité !
1. Personne qui compile, valide et commente des informations Web