Dans quelques jours, du 7 au 23 février 2014, les Jeux Olympiques d’hiver débuteront en Russie. Sotchi, ville de 500 000 habitants, située entre la Mer Noire et les montagnes du Caucase, dans une région géopolitique attrayante, a été élue face à Pyeongchang en Corée du Sud et Salzbourg en Autriche. C’est la deuxième fois que la Russie accueille les Jeux Olympiques après les jeux d’été de Moscou en 1980. Des Jeux voulant montrer la grandeur de l’Union Soviétique, mais qui avaient finalement créé polémique puisque 56 Etats[1] boycottaient leur participation dont les Etats-Unis en protestation à l’entrée de l’URSS en Afghanistan. Quelle est la stratégie de communication menée par le gouvernement Russe pour les Jeux Olympique de Sotchi ?
Le sport, une vision marketing ?
Pour Pierre de Coubertin, fondateur des JO : « Il faut internationaliser le sport. Ce fut le premier bienfait de l’olympisme de remplacer les petites chapelles par une grande église »[2]. Pour les institutions, le sport est politiquement neutre et porteur d’idéaux universalistes au service de la fraternité entre les peuples. Des conceptions très différentes de celles des membres actuels du CIO (Comité International Olympique) qui sont désormais plus attachés à la valorisation d’un spectacle par le renforcement de la compétition entre sportifs et la concurrence des sponsors et des droits télévisuels qu’aux valeurs réelles du sport. Les Jeux Olympiques ne sont plus considérés comme un moyen d’éducation mais comme une approche marketing[3] appuyée par une dimension économique et politique.
Le budget le plus important dans l’histoire des Jeux Olympiques
En 2001, Monsieur Jacques Rogge, président du CIO, annonçait l’intention de lutter contre le dopage, le respect de l’avenir des sites, des sportifs et des populations locales et une transparence financière pour maîtriser les coûts et éviter la corruption. Des combats qui ne sont pas réellement respectés dans la nomination de Sotchi par le CIO puisque les Jeux occasionnent des critiques budgétaires et de la corruption. Côté économie, la Russie a investi dans un espace naturel vierge plus de 38 milliards d’euros pour les nombreuses constructions des complexes sportifs (stations de ski, patinoires, ..) et les installations (routes, voies ferrées, centrales et réseaux électriques). Le coût le plus important de l’histoire des JO (Jeux d’été et d’hiver confondus), qui dépasse le budget cumulé des quatre éditions précédentes (Nagano, Salt Lake City, Turin et Vancouver). Un budget bien loin de la stratégie « des Jeux accessibles à tous » présenté par le CIO.
Un impact politique important ?
Vladimir Poutine, président de la Russie, fin stratège et lobbyiste qualifié a personnellement porté la candidature de Sotchi. Dans un régime politique peu démocratique, le message de ces Jeux est évidemment politique. Les Jeux de Sotchi sont une opération séduction qui vise à montrer au monde entier que la Russie est entre de bonnes mains. Pour Boris Nemtsov, le leader de l’opposition : « Les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi se sont transformés en une vaste arnaque »[4]. Un rapport rédigé par lui-même démontre que 23 milliards d’euros ont été détournés par Vladimir Poutine et des hommes d’affaires. Les installations auraient été faites pour la plupart par des amis de Poutine dans des conditions peu règlementaires : pas d’attribution d’appels d’offres. De plus, les travailleurs immigrés recrutés pour les chantiers auraient bénéficié de droit du travail quasi-inexistant. Les Jeux Olympiques servent bien de paravents à des régimes bafouant en toute impunité les droits de l’homme[5].
Boycott des autorités étrangères
La politique de Vladimir Poutine menée pour ces JO provoque un ensemble de débats nationaux mais également internationaux. Plusieurs dirigeants risquent de ne pas se déplacer à Sotchi et ainsi boycotter les Jeux. Concernant la France, François Hollande, président de la République et Laurent Fabius, ministre des Affaires Etrangères ne se rendront pas à la cérémonie d’ouverture des Jeux. De même pour la vice-présidente de la Commission européenne Vivane Reding, le président allemand Joachim Gauck et la chancelière Angela Merkel. Quant au président américain Barack Obama, il ne fera pas le voyage mais annonce dès à présent, dans la délégation officielle américaine la présence d’une militante de la cause homosexuelle, un sujet qui divise l’opinion publique et politique russe.
Censure de la presse ?
Pour couronner le tout, trois attentats à Volgograd et Piatigorsk ont eu lieu en décembre dernier faisant de nombreux morts. Sotchi se situe dans une région dangereuse, affectée par le terrorisme et l’extrémisme combattus en permanence par le grand renfort de communication institutionnelle[6]. Suite à ces rebellions islamiques, le gouvernement Russe a pris la décision de consolider le système sécuritaire des Jeux par la mise en place de plusieurs mesures (caméras, agents de police…) qui veillent à la sécurité des athlètes et des spectateurs. Des mesures contestées par le secteur des médias qui voit dans le système SORM, le réseau d’espionnage des communications russe, un tractage permanent de l’information et de la communication, une attention ne valorisant pas la liberté de la presse. Et pourtant, les Jeux Olympiques occasionnent un intérêt particulier par les citoyens. La passion pour les rencontres sportives permet de discuter de la grandeur et des principes moraux du sport. Un renforcement des mesures de sécurité qui risque de remettre en cause l’esprit d’ouverture voulu pour ces Jeux[7].
Pour conclure, le choix de Sotchi par le CIO avait un double avantage : favoriser le maximum de garanties pour le financement et les délais, et minimiser les oppositions aux projets d’infrastructures. Un choix qui peut être remis en cause avec toutes les polémiques, engendrées avant même le début des épreuves d’ici quelques jours. Les Jeux Olympiques de Sotchi nous réservent de belles surprises et risquent de nous surprendre. Profitons-en, ce n’est que tous les quatre ans. Une chose est sûre : « Faites vos jeux… rien ne va plus ! »
Justine Audo
Crédits photo : ALEXEI NIKOLSKY / RIA-NOVOSTI / AFP