La résurrection du compte Facebook de François Hollande le 1er janvier a fait beaucoup de bruit dans la sphère médiatico-politique. Mais l’a-t-on réellement comprise ? Décryptage.
#FF @Elysée
Cette absence de près de deux ans de François Hollande sur Facebook est tout à fait légitime, car elle suit l’évolution de sa fonction. La parole du désormais Président de la République, en tant qu’il passe de candidat à chef de l’Etat, change de statut. Si jusqu’alors, il parlait en son nom, c’est maintenant au nom de la France qu’il s’exprime. D’où son dernier message et sur Facebook[1] et sur Twitter[2] datant du 18 mai 2012 où il invitait à suivre la page officielle de l’Elysée. En effet, on peut considérer qu’il ne doit plus faire de communication politique au sens de communication partisane mais qu’en tant que porte-parole de la France, il doit dorénavant parler selon les règles de la communication publique. D’autre part, ce choix a pu être motivé par le peu d’attrait que François Hollande a pour ces supports de communication. Un article publié sur le site Internet du Figaro[3] rappelle que lui-même s’était exprimé en juin 2011 selon ces termes : «il ne faut pas imaginer qu’on va pouvoir dialoguer avec le pays simplement avec les réseaux sociaux» ; «Je ne tweete pas, je n’ai pas le temps, reconnaissait-il le 9 janvier 2012 sur Canal +, en pleine campagne présidentielle. Mais je peux dicter quelques messages.»
Vous avez dit normal ?
L’autre tête de l’exécutif en a décidé autrement : le Premier ministre a conservé son compte Twitter (@jeanmarcayrault) et l’alimente toujours très régulièrement, tout en communiquant par le biais institutionnel du compte Twitter de Matignon (@matignon). Cependant, les messages diffusés sur son compte personnel ont tous trait à l’exercice de sa fonction – en témoigne son Tweet du 6 janvier « Augmenter le taux d’emploi, favoriser la mixité professionnelle: les deux priorités de mon gouvernement pour les droits des femmes en 2014 ! » – par ailleurs rappelée en fond – « Jean-Marc Ayrault Premier Ministre » – avec le drapeau français sur le côté gauche[4] en écho à la charte graphique que l’on retrouve sur le compte de Matignon[5].
Ainsi, François Hollande qui se veut un président normal ne fait décidément pas comme tout le monde en se faisant remarquer par son absence sur les réseaux sociaux. Au contraire, de nombreux ministres qui affectionnent tout particulièrement ce média, en ont même fait un instrument de communication privilégié ; c‘est le cas, au hasard, de Cécile Duflot (@CecileDuflot) dont les publications sur Twitter sont régulièrement citées et commentées dans la presse. Peut-être le président voulait-il précisément se démarquer de l’équipe gouvernementale.
Nouvelle année, nouvelle stratégie de communication
On peut questionner cette disparité en termes de communication entre les deux piliers de l’exécutif. Néanmoins, qu’importe leur stratégie respective, chacune avait eu le mérite de rester la même depuis mai 2012. Jusqu’au premier janvier dernier où François Hollande fait son grand retour sur les réseaux sociaux avec un message posté sur ses comptes personnels saluant la libération du prêtre Georges Vandenbeusch, de retour en France après son enlèvement au Cameroun. Largement commenté par les journalistes et les politiques, le pourquoi de ce choix a globalement été décrypté comme une opération de communication, à l’instar de Marine Le Pen, qui, à l’occasion de ses vœux à la presse le mardi 7 janvier a qualifié ce revirement de « « coup de com », « d’acte symbolique » qui « n’allait pas changer la parole présidentielle » et qui n’était pas « une réponse à la hauteur de la demande des Français » »[6].
Incohérence
Mais plus surprenant encore est l’absence de Tweets ou de posts depuis cette résurrection. Beaucoup, dont le conseiller en communication Thierry Saussez, s’étaient pris à interpréter le Tweet du premier janvier comme une « bonne résolution »[7], comme une volonté de s’afficher comme un président moderne. Alors que sa côte de popularité est loin d’être au beau fixe, François Hollande a peut-être cherché à asseoir de nouveau l’autorité de sa parole par ce biais. Cependant – et cela prouve bien que notre président est « normal » car il est comme nous – cette bonne résolution (si tant est qu’il s’agissait d’une bonne résolution), a très vite été oubliée. A l’heure où je termine ce billet, aucune actualisation de la page n’est à constater, ce qui accroît sans doute l’incompréhension face à ce qui aurait pu être interprété comme une stratégie de retour sur les réseaux sociaux.
En définitive, la réactivation ponctuelle des comptes personnels Twitter et Facebook de François Hollande n’a pas profité au président de la République, et ce pour deux raisons. Premièrement, ce revirement dans le type de communication provoque une rupture par rapport au silence sur les réseaux sociaux qui s’était imposé en norme depuis le 18 mai 2012, ce qui déroge à la règle d’or de la communication : la cohérence. Deuxièmement, l’abandon aussi subi que la réactivation des comptes a provoqué une nouvelle incohérence. Résultat : on ne comprend pas. On s’interroge. Ainsi le geste de communication initié n’a-t-il peut-être pas obtenu le résultat escompté.
Marion Baudier-Melon
Crédit photo: afp.com/AlainJocard
François Hollande reprend-il du service sur les réseaux sociaux ?
[2] https://twitter.com/fhollande
[3] http://www.lefigaro.fr/politique/2014/01/02/01002-20140102ARTFIG00219-francois-hollande-de-retour-sur-les-reseaux-sociaux.php
[4] https://twitter.com/jeanmarcayrault
[5] https://twitter.com/Matignon
[6] http://www.franceinfo.fr/societe/le-info2230/erwann-gaucher-1273579-2014-01-07
[7] http://www.rtl.fr/actualites/info/politique/article/retour-de-hollande-sur-twitter-une-bonne-resolution-de-communication-selon-un-specialiste-7768472992