Nous avons eu la chance en ce 17 avril d’avoir rencontré le plus célèbre et le plus européen des députés français : Daniel Cohn-Bendit. Après une attente qui nous a semblé interminable, l’eurodéputé a accepté de nous offrir quelques minutes de son temps pour répondre à nos interrogations.
C’est un responsable politique toujours passionné et motivé mais dont les différents mandats ont pu peser sur son enthousiasme, et qui déclare vouloir se retirer définitivement de la vie politique.
Quelques considérations sur sa vie privée, l’envie de profiter de sa famille, de ses amis, de la vie plus généralement, nous ont permis d’entrevoir un homme finalement désireux de mener une vie de simple citoyen. Mais c’est aussi un homme passionné par la vie politique. Il est vrai que ces deux aspirations, dans bien des cas, ont du mal à coexister, l’une souvent dévorée par l’autre. Quoiqu’il en soit, Daniel Cohn-Bendit s’est prêté avec facilité à un échange avec nous, sur des questions de vive actualité.
Ainsi, le premier sujet évoqué fut celui de la transparence en politique et de la publication de leur patrimoine par les membres du gouvernement français. Il a critiqué amplement l’attitude du gouvernement, parlant de « voyeurisme » plus que d’une politique de transparence. L’un d’entre nous pourtant lui a demandé si cette publication du patrimoine des ministres n’était pas indispensable afin de permettre au contribuable de contrôler l’impossibilité d’un enrichissement personnel de certains hommes politiques à ses dépens. A cela l’eurodéputé a rétorqué que la cour des comptes faisait déjà ce travail, et qu’il n’était pas nécessaire de divulguer son patrimoine devant les citoyens. « Quand on veut frauder, on peut le faire simplement en ne déclarant pas certains biens » estime-t-il.
Une autre question d’actualité, qui a suscité une vive réaction chez notre interlocuteur, concerne les métiers des ministres. Un ministre peut il exercer une autre profession ? « Oui », répond-il. Mais le problème c’est qu’en France, la législation est absente. Il nous fait comprendre avec l’exemple de l’Allemagne qu’être un élu est un métier « précaire » au sens où l’on dépend des votes des citoyens. En Allemagne, il y a une loi qui protège les élus salariés dans le privé, la loi leur permettant de récupérer leur emploi à la fin de leur mandat. Pour Daniel Cohn-Bendit, il est nécessaire d’avoir au gouvernement des personnes autres que des bureaucrates.
La seconde partie de la rencontre a porté sur des questions davantage liées au fonctionnement de l’Union européenne. C’est avec la même fougue que notre député nous a répondus sans détour.
Concernant le sujet si controversé du lobbying, mise à part l’industrie du tabac qui est entièrement contrôlée, l’idée d’une transparence serait une utopie. D’autre part il est normal que certains députés soient plus proches de certains lobbies, leur fassent confiance plus qu’à d’autres et travaillent avec eux sans problèmes, puisqu’ils leur apportent une certaine expertise…
Autre sujet tout aussi controversé: le fédéralisme. Daniel Cohn-Bendit, Européen convaincu, ne conçoit pas une Europe autre que fédéraliste. Pour lui, malgré les tensions dues à la crise et le repli identitaire de certains pays de l’Union Européenne, ce fédéralisme pour lequel il s’est ardemment battu, s’imposera de lui-même, car selon ses propres termes, « la mondialisation est en train de battre en brèche la souveraineté nationale ». Si l’Europe veut continuer à exister, il lui faudra s’adapter au nouvel ordre mondial…
Ainsi nous arrivons à la fin de l’entretien. Quelque peu perplexes devant la décision de retrait de cet homme politique si passionné, c’est avec attention que les étudiants du Master 1 l’écoutent : « je préfère partir ainsi en laissant une très bonne image de moi, et en l’ayant choisi, que de partir avec des regrets ; cela fait longtemps que je suis député, il est temps de laisser la place aux jeunes et de vivre une autre vie ».