Depuis maintenant quelques mois, la proposition de loi pour le mariage pour tous les couples provoque un débat dans la société française. Des arguments ont été avancés, un débat parlementaire a lieu, le Président a reçu les deux camps à l’Elysée, des manifestations ont rassemblé un grand nombre de personnes. Mais une limite semble avoir été dépassée : l’homophobie apparaît aujourd’hui comme décomplexée.
Engagement 31. C’est sous ce nom que prend forme la promesse du candidat Hollande. Pendant toute la campagne présidentielle, cet engagement a été rappelé à de nombreuses reprises. Il ne semble pas avoir été caché ou proposé aux derniers moments. « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. », écrit François Hollande dans son livre de 60 engagements, distribué aux Français.
Lorsque cette proposition a été faite, l’opinion publique n’a pas exprimé son opposition. Ce qui aurait pu laisser penser que la loi serait adoptée sans la violence verbale des derniers mois. En effet, le choix des mots semble essentiel dans ce débat. On parle de « Mariage pour tous », de « Manif pour tous », de « droit à l’enfant » contre un « droit de l’enfant ». Cette joute verbale marque la force et le pouvoir des mots.
Mais ces mots dépassent maintenant l’échange d’arguments et d’idées. Certains amalgames, de nature homophobe, ont été faits. Le cardinal Barbarin déclare le 14 septembre 2012 « Après, ça a des quantités de conséquences qui sont innombrables. Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre. Après, un jour peut-être, l’interdiction de l’inceste tombera. ». Au delà des religieux catholiques, ce sont les élus qui semblent utiliser des arguments loin du débat argumenté. Jacques-Alain Benisti (Député du Val de Marne) demande sur la chaine parlementaire (28 juin 2012), « Après le mariage homosexuel, bientôt l’adoption […] A quand la dépénalisation du viol ? ». Les mots sont forts mais surtout insensés. Ils le sont encore plus dans la bouche d’un élu de la République. La légitimité qu’ont les personnages publics (par le vote, par la fonction) leur confère un pouvoir supplémentaire. Leur parole n’est pas uniquement celle d’un citoyen, elle est celle d’un responsable public et donc médiatique.
La multiplication de ce genre de propos dans les médias a libéré et décomplexé certaines personnes. Il semble y avoir une corrélation entre ces déclarations et les propos homophobes de ces derniers mois, comme le montre cet article. Les réseaux sociaux ne sont pas épargnés de cette vague homophobe. Un « mot-dièse » est apparu sur twitter sous ce nom #SiMonFilsEstGay. Une centaine de tweets à caractère homophobe, mais aussi sexiste, raciste et antisémite, ont été postés.
Et le début du débat parlementaire ne semble pas arranger les choses. Pour marquer son opposition à la proposition de loi, Jacques Bompard (Député du Vaucluse) a déposé un amendement autorisant le mariage entre personnes d’une même famille. Son « argumentation » étant la suivante : « pour supprimer toute forme de discrimination, il conviendrait à toutes les formes de famille, sans distinction de sexe, d’orientation sexuelle, d’origine, de nombre, d’âge ou de lien de parenté. »
Le choix de certains mots ne semble pas prendre en compte leur caractère blessant pour certains citoyens. Ce débat a mis en lumière un élément constitutif de notre société : le caractère hétérosexuel et inégalitaire de cette dernière. Dans une République qui dépénalise l’homosexualité en 1982, les homosexuels ne semblent pas avoir les mêmes droits et donc devoirs que les hétérosexuels. Communiquer sur l’homosexualité sans tomber dans une forme de caricature ou d’amalgame semble aussi être compliqué. Dans un article « Caricatures homophobes et stéréotypes de genre […] », Florence Tamagne explique que les caricatures sur les homosexuels ne sont pas une nouveauté. En 1900, on retrouve des dessins représentants l’homosexualité, devenant même « un instrument de discrédit politique ». En effet, la représentation homosexuelle de deux hommes politiques porterait atteinte aux personnes.
Seule l’histoire pourra dire si ce débat sur le mariage pour tous bénéficiera de la même construction symbolique que celle de l’abolition de l’esclavage ou de la légalisation de l’IVG. Mais il est un point où la France et une partie de ses élus semblent avoir des difficultés, plus que dans d’autres pays, c’est sur ce besoin d’égalité.