50 ans se sont écoulés depuis la rencontre entre le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer. Le 22 janvier 1963, les deux hommes signent le traité de l’Elysée qui marquera le rapprochement de nos deux pays. « L’amitié franco-allemande », « Le couple franco-allemand », autant de formules qui semblent aujourd’hui habituelles et utilisées par l’ensemble des responsables politiques.
En 1963, Charles de Gaulle sort de la guerre d’Algérie, Konrad Adenauer voit son pays séparé par un mur et souhaite se rapprocher de l’Ouest. Les deux responsables politiques ont besoin d’un événement qui marque la période. C’est en effet un geste fort qui aujourd’hui peut être interprété comme une décision visionnaire. Le traité officialise un rapprochement des deux pays dans leurs politiques étrangères et pour la jeunesse. En d’autres termes, il met fin à toute guerre possible entre les deux Etats. La jeunesse est au cœur du traité de l’Elysée. Le général de Gaulle le rappellera dans un discours à la jeunesse (en langue allemande) à Ludwigsburg.
De nombreux projets sont lancés pour renforcer les échanges entre les deux pays. Tout d’abord l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse (1963) qui doit permettre l’organisation d’échanges, de rencontres entre deux jeunesses qui n’ont pas connu la guerre. Un conseil économique et financier franco-allemand (1988) tente d’harmoniser les politiques économiques des deux pays. Il existe depuis 1994 un AbiBac (Abitur-Baccalauréat). Les lycéens ont la possibilité de préparer le diplôme français et allemand. Ensuite vient la création de l’Université franco-allemande (1997). Cette université virtuelle, puisqu’il n’existe aucun campus franco-allemand, propose aux étudiants de passer la moitié de leur cursus dans le pays partenaire et d’y obtenir un double diplôme. En 2003 est décidé qu’un conseil des ministres franco-allemands s’organisera deux fois par an. Il existe 25 Institut français en Allemagne et 7 Goethe Institut en France.
Ces initiatives sur le plan politique, culturel, scientifique et économique, dépassent le clivage politique. En effet, chaque couple franco-allemand De Gaulle-Adenauer, Giscard-Schmidt, Mitterrand-Kohl, Chirac-Schröder, Sarkozy-Merkel et aujourd’hui Hollande-Merkel ont tous travaillé en étroite collaboration. Cette relation bilatérale est aujourd’hui considérée comme habituelle et loin de la seconde guerre mondiale par les citoyens. Comme le montre l’enquête « L’Allemagne, la France et vous ? », 45% des citoyens français et allemands n’associent plus le pays voisin aux notions de guerre et de paix. Cette relation est même encouragée par un grand nombre d’initiative (échanges scolaires, jumelages entre villes, etc.), mais ce n’est pas pour autant qu’elle est connue de tous. Et c’est sur ce point que le couple franco-allemand peut encore faire des efforts.
Les expressions « couple franco-allemand » ou « moteur de l’Europe » sont devenues dans le discours politique des formules obligées. De fait la France et l’Allemagne ont réussi ensemble à donner une impulsion pour les citoyens français et allemands, mais aussi pour les citoyens européens. En effet, l’Europe est au cœur du projet franco-allemand. La construction européenne avec la communauté européenne du charbon et de l’acier (1952), la signature du Traité de Rome (1957) et la première rencontre entre De Gaulle et Adenauer (1958) se trouvent dans un même processus. Ce besoin de se rapprocher et de dépasser le national pour construire une perspective transnationale.
Dans les faits, on remarque tout de même un décalage entre le discours et la réalité. De moins en moins d’élèves apprennent la langue de l’autre par exemple. On ressent aussi un faible dynamisme dans la relation. Peu de nouveaux projets ou objectifs (comme une politique de l’énergie commune, par exemple) ont été avancés lors de cette rencontre bilatérale de janvier 2013. L’élection de septembre 2013 en Allemagne peut expliquer cette position. Des propositions seront évoquées en mai selon François Hollande et Angela Merkel. D’ici là, ce sera à chaque citoyen de vivre sa relation franco-allemande. Comme l’exprime le Président Hollande dans son discours au Bundestag le 22 janvier 2013 : « Mais notre amitié doit aujourd’hui être un appel : un appel à nos deux pays pour qu’ils se rapprochent encore davantage. Un appel aux citoyens, pour qu’ils prennent en main leur destin. » Selon ces mots, l’opinion publique est censée se trouver au cœur du projet franco-allemand et amplifier cette coopération. On peut tout de même se demander comment les citoyens peuvent faire vivre cette relation ?
Certains membres du réseau franco-allemand semblent analyser la banalisation de cette amitié politique autrement. Béatrice Angrand, Secrétaire générale de l’OFAJ, affirme sur France Inter le 15 janvier 2013 que « Paradoxalement cette banalisation, c’est un immense succès. ». Le manque d’intérêt pour les festivités du cinquantième anniversaire serait alors un signe que les citoyens ont dépassé les conflits antérieurs. C’est en effet une autre perspective qui mérite réflexion.
On peut avancer l’idée que les citoyens ne verraient plus dans la relation franco-allemande un caractère unique. De nombreuses institutions permettent maintenant d’établir des relations entre Etats. Il existe un conseil des ministres franco-italiens. Une organisation pour la jeunesse germano-polonaise est en place depuis 1991. Néanmoins, aucun autre Etat ne peut prétendre avoir des relations aussi intenses que la France et l’Allemagne. Cette relation est particulière, peut être parce qu’elle elle est la première et qu’elle a inspiré les autres. On peut parler d’un modèle franco-allemand.
Ce modèle doit maintenant être capable d’apporter des réponses concrètes aux problèmes posés. Et ceci pour ne pas devenir un modèle du passé.