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Les sondages sont-ils une autorité légitime comme Stanley Milgram la définit ?

Le 11 janvier 2012, la chaîne de télévision LCP a diffusé une émission intitulée « Souriez vous êtes sondés » dans laquelle elle illustre et présente le rôle des sondages dans les prochaines élections présidentielles. On peut alors se poser la question de leur influence et donc de leur « autorité » dans le vote des français. La question de la légitimité des sondages dans les élections et leur corrélation dans les votes peut se rapprocher de l’idée de Stanley Milgram sur la question de la soumission à l’autorité. Durant sa célèbre expérience, le psychosociologue va comprendre comment des individus peuvent légitimer une autorité comme l’expérimentateur et pourquoi ces individus se sont-ils soumis à cette autorité qu’ils considéraient comme légitime. 
À l’heure actuelle, les autorités institutionnelles sont moins appuyées et explicites, il est rare qu’une autorité comme « l’expérimentateur » de Stanley Milgram soit présent tous les jours dans notre vie. Est-il possible d’imaginer des autorités « cachées » ou plus discrètes dans nos sociétés modernes et démocratiques ? Si l’on prend cette notion d’autorité « discrète » voire insoupçonnée dans les domaines qui nous intéressent ici à savoir la politique et la communication politique on peut se questionner : Est-ce que  les sondages peuvent être considérés comme autorité légitime pour les électeurs français ?
En 1974, Milgram publie « Obedience to Authority », traduit en français par  Soumission à l’autorité où il retrace la plus fameuse de ses expériences*.
Dès le début de son oeuvre, l’objectif de l’auteur est de : « tenter d’étudier les réactions de l’individu placé au centre d’un conflit entre sa conscience et l’autorité ». Par cet objectif, il va démontrer que plusieurs cas auparavant, dont les crimes nazis, lui ont permis de penser et repenser la soumission à l’autorité comme un acte « compréhensible » et explicable par l’addition de plusieurs facteurs aussi bien sociaux, psychologiques ou comportementaux. Ainsi, la soumission à l’autorité dépend des régimes et des époques mais est toujours présente, sous des formes moins visibles ou affirmées dans les sociétés modernes.
Durant ces expériences et l’écriture de son livre, Stanley Milgram va présenter les dix huit variantes de l’expérience « de base », présentées les unes à la suite des autres dans l’ordre logique de l’ouvrage. Milgram se pose une autre question, qui va nous intéresser spécialement ici, à savoir : « Comment se légitime ou est légitimée une autorité par une population ou un groupe de personnes ? ».
L’influence des sondages est de plus en plus perçante et prononcée dans le monde politique. En 1968, les instituts de sondages prédisent la mise en ballotage de Charles de Gaulle par Lecanuet et cela va s’avérer réel. La croyance en ses instruments de la vie politique a commencé à cette date. Les dernières primaires citoyennes du parti socialiste en sont un exemple flagrant. Des études montrent en effet que François Hollande a été le plus médiatisé et le mis en avant dans la presse ou la télévision, les sondages l’annonçaient gagnant des semaines avant les résultats. On peut dire que ces outils de mesure orientent fortement les médias, les médias influencent les hommes politiques qui eux-mêmes commandent ces sondages, tout cela pour incliner dans un sens ou un autre le vote des citoyens et des administrés. Le tryptique média-sondage-homme politique nous pose la question du rôle des sondages dans ce cercle vertueux (ou vicieux selon les opinions). Ils sont considérés comme une autorité légitime si l’on constate les résultats à chaque élection et l’influence qu’ils ont par leur médiatisation. Bien sur, pour les futurs communiquants que nous sommes, nous appréhendons et analysons les sondages, mais leur impact est bien réel lorsque l’on pense à leur influence chez des personnes moins averties…
Pour illustrer la problématique que Milgram a posée dans son oeuvre et l’évènement amenant les sondages comme autorité légitime, vous pouvez revoir l’émission  « Com’ en politique » de LCP.
* Résumé de l’expérience « Soumission à l’autorité » : Stanley Milgram va rechercher par voix de presse pour cette expérience des individus ordinaires qu’il appelera « sujet » tout au long de l’ouvrage. En réalité, les sujets doivent apprendre une liste de mots à une autre personne, nommée dans l’expérience « élève ». Ce dernier, qui est en fait un complice de S. Milgram, est sanglé sur une chaise et relié à des électrodes dans une autre pièce. Il commet exprès des erreurs dans les réponses qu’ils donnent au sujet. Pour chaque mauvaise réponse, le scientifique appelé « expérimentateur », lui aussi complice, ordonne à l’individu d’envoyer des décharges à l’élève. 
 

Mathilde Pieraut
Mathilde Pieraut
Etudiante en M1, Promo 2011-2012