Le 11 janvier, François Hollande a dévoilé son slogan de campagne : « Le changement, c’est maintenant ». Dès la première lecture, on ressent un effet de lassitude, lequel ne s’estompe pas au prisme de l’histoire des slogans politiques.
De trop nombreuses utilisations politiques du mot « changement » l’ont usé jusqu’à à la corde. Un tour d’horizon des principaux slogans de campagnes présidentielles depuis 1981 indique que ce mot apparait au moins six fois dans les supports langagiers des différents candidats, de gauche comme de droite. On retrouve ainsi « Jacques Chirac, Maintenant » en 1981, « Le président du vrai changement » pour Lionel Jospin en 1995 ou encore « La relève, le changement » pour François Bayrou en 2002. On retrouve encore « Ici et maintenant » pour François Mitterrand en 1980, « Le changement sans risque » pour Valéry Giscard d’Estaing en 1974. Le changement, ce n’est donc pas une nouveauté en politique, à tel point que le mot lui-même est devenu incapable de plaider sa propre cause.
Quant au mot « maintenant », il est passé de date. En politique, le mot « maintenant » a été vidé de sa force illocutoire. On n’accomplit aujourd’hui plus rien en disant « c’est maintenant », car trop nombreux sont ceux qui ont fait cette injonction au présent sans que des actions concrètes s’ensuivent.
Pour de nombreux commentateurs, le slogan de campagne de François Hollande est attendu car il n’emploie que des mots « classiques » de slogans politiques. Comme le résume Arnaud Mercier – Professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Metz – dans une interview pour Atlantico.fr : « Ce n’est pas très neuf en vérité. D’un autre côté, il y a longtemps qu’il n’y a pas beaucoup de renouvellement dans les slogans de la vie politique française ». Le journal en ligne Slate.fr a d’ailleurs créé un widget générateur de slogans de campagne, dont la réalisation a été rendue possible par l’étroitesse du champ sémantique des slogans politiques.
En clair, le slogan de campagne du candidat socialiste a un air de déjà vu ; pour certains, il serait mitterrandien, pour d’autres, chiraquien ou même camerounais. En effet, ce slogan est mot pour mot le même que celui d’un candidat à l’élection présidentielle camerounaise de 2011.
Pire que sa rime pauvre, ce slogan peine à se démarquer par sa simplicité sémantique. Une tournure simple, sans prétention, des mots simples et attendus, mais surtout, aucun défi, aucune audace. Pour 21 % des Français, le slogan de François Hollande évoque une grosse supercherie. Pour ceux-ci, c’est un slogan contre-productif qui mériterait que l’on change le changement… En revanche, on ne peut nier l’aspect positif de ce slogan, porté notamment par le « c’est » qui semble remplir deux rôles : l’instantanéité et le rapprochement populaire.
L’instantanéité d’abord avec la monstration de l’adverbe qui renforce l’idée d’une proximité temporelle de l’échéance. En clair, le « c’est » étant un point pivot de la phrase, il est flexible et il autorise la gymnastique mentale qui consiste à rendre équivalents les énoncés « Le changement, c’est François Hollande », « Le changement, c’est le 6 mai 2012 » et « Le changement, c’est maintenant ». Ensuite, « c’est » est une tournure populaire. Avec ces deux petits mots, on a donc une volonté de rapprochement populaire, d’oralité, voire de simplification (extrême?). Ceci contribue à la compréhension du message par le plus grand nombre.
En soi, le caractère attendu du slogan peut être critiqué tantôt de façon négative comme un manque d’originalité, tantôt de façon positive comme un signe de cohérence. En effet, ce slogan s’inscrit dans un contexte politique précis auquel il renvoie : 17 années de présidence de la droite. Quoi qu’il en soit, puisque le démarquage minimal du candidat socialiste ne passe pas par son slogan, il devra passer par son programme…