La digitalisation de la communication territoriale et la valorisation du patrimoine local : entre opportunités et écueils

Photo : Mickaël Anisse pour Midi-Libre (publiée le 9 avril 2023)

La communication territoriale est essentielle pour les collectivités locales. Elle a pour but d’informer et de faciliter l’accès aux services publics, mais aussi de transmettre des valeurs à travers divers projets, d’encourager la participation des citoyens en impliquant les habitants dans la vie locale et de créer un récit collectif qui renforce le sentiment d’appartenance au territoire. Ce sentiment d’appartenance se manifeste souvent à travers le patrimoine, qu’il soit matériel ou immatériel, ancré dans une localité précise. Un des objectifs principaux de la communication territoriale est donc de mettre en valeur ce patrimoine pour le promouvoir et le préserver. L’utilisation des réseaux sociaux numériques et d’Internet, qui offrent une large portée de diffusion, sera au cœur de cet article. En effet, ces plateformes permettent de partager largement des informations sur le patrimoine local, d’encourager l’interaction et de renforcer la visibilité des actions de la collectivité. En mettant en avant les spécificités locales, la communication contribue à accroître l’attractivité du territoire et à mieux faire connaître l’histoire locale aux habitants et aux visiteurs. Cette valorisation du patrimoine peut générer des flux touristiques, agissant ainsi comme un moteur pour le développement économique local. Les actions de diffusion et de promotion menées par la municipalité rendent le patrimoine culturel accessible à un large public grâce à divers canaux, notamment numériques. Il est donc pertinent de se demander dans quelle mesure la digitalisation de la communication territoriale constitue une opportunité pour la valorisation du patrimoine local.

Les réseaux sociaux numériques, un réel atout dans la promotion du patrimoine local

La digitalisation de la communication territoriale, notamment à travers l’utilisation des réseaux sociaux numériques et d’Internet, permet d’atteindre un large public, tant national qu’international, et d’éveiller l’intérêt de futurs touristes. Cette visibilité renforcée peut engendrer des retombées économiques notables, en particulier dans le secteur du tourisme. La communication territoriale vise à accroître la visibilité et la renommée du patrimoine local. Grâce aux réseaux sociaux et à Internet, les frontières sont redéfinies, offrant à chacun la possibilité d’accéder au contenu, peu importe sa localisation. L’exploitation des réseaux sociaux et d’Internet présente donc des occasions uniques pour mettre en avant le patrimoine.

Pour attirer le plus grand nombre, la communication doit élaborer une stratégie similaire à celle du marketing territorial. Comme le soulignent Dominique Mégard et Bernard Deljarrie :

« une stratégie de communication d’image peut, à l’aide de techniques de marketing territorial, contribuer à remodeler l’image et vendre un territoire, y compris à ses propres habitants. »

In La communication des collectivités locales. 2e éd., LGDJ, 2009.

Certaines collectivités territoriales ont saisi l’opportunité que représentent les réseaux sociaux numériques pour mettre en oeuvre cette stratégie. Par exemple, Avignon, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1995, a lancé une campagne pour promouvoir son patrimoine culturel. De février à juin 2024, la ville a régulièrement partagé des photographies sur ses plateformes sociales numériques, créant ainsi un feuilleton attendu par ses abonnés. Cette initiative visait à faire vivre la ville et à attirer des visiteurs. Grâce à cette stratégie, Avignon a su tirer parti de ses atouts historiques et culturels pour s’engager dans le monde numérique contemporain. Cette campagne met en lumière l’importance des médias sociaux pour la valorisation culturelle. En augmentant l’attractivité du territoire, la valorisation du patrimoine joue un rôle clé dans le développement économique local. Dans la même logique, Grenoble utilise les réseaux sociaux numériques pour mettre en avant son patrimoine culturel. Depuis 2017, la ville est classée « Ville d’art et d’histoire » par le Ministère de la Culture, reliant son identité historique à des équipements technologiques modernes.

Le site Grenoble Patrimoine1, l’une des initiatives numériques majeures de la ville, propose des visites virtuelles de monuments historiques tels que le Fort de la Bastille ou la Place Grenette. Cette plateforme interactive, riche en contenus multimédias comme des vidéos et des cartes interactives, offre une expérience immersive aux utilisateurs. En plus des visites virtuelles, le site met en lumière des événements importants comme les Journées européennes du patrimoine, diffusées en ligne pour atteindre un large public.

Un des principaux défis de la digitalisation de la communication territoriale, et plus particulièrement de la mise en valeur du patrimoine local, est de transmettre des connaissances essentielles sur ce patrimoine aux générations futures. Valoriser le patrimoine local ne se limite pas à mettre en avant les richesses d’un territoire. Il s’agit aussi “d’établir un lien entre les générations”2. En effet, le patrimoine local englobe un ensemble de monuments et de traditions. Sa valorisation contribue à renforcer l’identité locale et à favoriser un sentiment d’appartenance parmi les habitants. Lorsque les jeunes générations prennent conscience de la valeur du patrimoine qui les entoure, ils sont plus enclins à le protéger et à le promouvoir. Par exemple, la ville de Bordeaux propose des ateliers pédagogiques dans les écoles, où les élèves découvrent le patrimoine local à travers des activités pratiques et des visites guidées. Ces initiatives aident les enfants à établir un lien personnel avec leur héritage culturel. Ces ateliers sont souvent complétés par des ressources en ligne, comme des vidéos et des quiz, pour enrichir l’apprentissage.

La digitalisation de la communication territoriale dans la valorisation du patrimoine présentant des limites

La numérisation présente de nombreux avantages pour la mise en valeur du patrimoine culturel, mais elle pose également des défis, notamment en matière d’accessibilité. Le fossé numérique, qui désigne l’écart entre ceux qui ont accès aux technologies numériques et ceux qui en sont exclus, persiste. L’utilisation de sites internet ou de réseaux sociaux numériques peut constituer un véritable obstacle, surtout pour les personnes âgées ou celles issues de milieux à faibles revenus. Ce fossé numérique peut accentuer les inégalités d’accès à la valorisation du patrimoine, telle qu’elle est promue par la communication territoriale3. Ceux qui n’ont ni les ressources ni les compétences technologiques nécessaires sont souvent exclus des initiatives en ligne liées au patrimoine. Les jeunes générations, qui sont plus à l’aise avec la technologie, se distinguent des seniors, qui préfèrent des méthodes traditionnelles comme visiter des expositions physiques ou lire des brochures imprimées. Pour remédier à ces inégalités numériques, des politiques d’inclusion numérique sont mises en place par des collectivités, comme la communauté d’agglomération de Lens-Liévin avec le « Pass Numérique ». Cette initiative vise à lutter contre l’illectronisme et propose la prise en charge des coûts de formations des élèves4. Proposer des solutions telles que des ressources hors ligne ou des activités en présentiel peut être un moyen de garantir un accès équitable à la promotion du patrimoine.

La communication numérique, bien qu’efficace pour promouvoir le patrimoine, comporte le risque de perdre l’authenticité. Par exemple, c’est le cas lorsqu’une publication est publiée sur TikTok ou Instagram. L’utilisation intensive des réseaux sociaux et d’autres plateformes en ligne peut parfois réduire le patrimoine à une simple image, superficielle et décontextualisée. Cette représentation peut nuire à l’identité locale en minimisant la richesse historique et culturelle qui définit le territoire5. Les habitants peuvent ressentir un désengagement lorsque l’image de leur communauté ne reflète pas leur réalité quotidienne et leurs traditions. Cette distorsion peut créer une déconnexion entre les habitants et leur propre identité culturelle. De plus, une telle image simplifiée attire souvent des visiteurs qui ne cherchent qu’une vision idéalisée et superficielle, ce qui nuit à la possibilité d’une expérience véritablement immersive et éducative. Pour remédier à ces problèmes, la communication numérique peut être renforcée par des initiatives visant à mettre en valeur l’authenticité et la richesse du patrimoine culturel. Par exemple, la communication territoriale pourrait donner une courte explication de l’histoire du monument en question. De ce fait, il sera possible d’établir une connexion plus profonde et fidèle.

En définitive, la digitalisation de la communication territoriale, à travers les réseaux sociaux et Internet, joue un rôle essentiel dans la mise en valeur du patrimoine local. Cette approche permet de toucher un large public. Elle contribue à augmenter la visibilité et la renommée des richesses culturelles d’un territoire, tout en attirant des visiteurs et en renforçant l’identité locale ainsi que le sentiment d’appartenance des habitants. Cependant, cette transition numérique doit être abordée avec précaution. Le fossé numérique et la dégradation de l’authenticité peuvent en effet exclure une partie de la population et altérer la valeur patrimoniale. L’avenir de la communication territoriale repose sur un équilibre entre l’innovation numérique, la préservation de l’authenticité culturelle et l’inclusion. En intégrant des pratiques numériques tout en maintenant un lien fort avec l’histoire et les traditions, les collectivités peuvent élaborer un modèle de promotion patrimoniale à la fois moderne et respectueux des valeurs locales. Un tel modèle encouragerait la co-construction de projets de valorisation avec la communauté, garantissant ainsi une dynamique pérenne et inclusive.

Loïc MARIA (M1 2024-2025) et Alfie PATERSON-SAVIDGE (ERASMUS)

  1. https://www.grenoble-patrimoine.fr/ [en ligne] (consulté le 17 novembre 2024) ↩︎
  2. Mansour, Mohamed. “Le patrimoine local : frein ou moteur du développement économique ?” in Gestion & Finances Publiques, 6(6), 2018, p. 64-68 Disponible sur : https://shs.cairn.info/revue-gestion-et-finances-publiques-2018-6-page-64?lang=fr (consulté le 16 novembre 2024) ↩︎
  3. Le Corf, Jean-Baptiste. “Communication territoriale et technologies numériques : bilan provisoire et perspectives de recherche” in Revue Marketing Territorial, 0 / printemps 2018. Disponible sur : http://publis-shs.univ-rouen.fr/rmt/index.php?id=142#tocto1n3 (consulté le 20 novembre 2024) ↩︎
  4. Article issu du site “Le Mag de l’agglomération de Lens-Liévin” (Disponible sur : https://mag.agglo-lenslievin.fr/pass-numerique-call/) (consulté le 25 novembre 2024) ↩︎
  5. Souchard, Maryse. Mons, Alain (1992). La Métaphore sociale -Image, territoire, communication. In: Communication. Information Médias Théories, volume 15, n°2, automne 1994. p. 237-241. ↩︎
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