Dans le cadre du projet « Branly 2025 », qui entend définir ce que peut et doit être le musée à l’horizon de 2025, le musée du Quai Branly a sollicité un groupe d’étudiants du M1 Communication politique et publique en France et en Europe. Par l’intermédiaire de M. Florent Papin, chargé de mission auprès de la direction du musée et coresponsable du projet « Branly 2025 », le musée souhaite créer les conditions d’une meilleure valorisation des atouts distinctifs du musée et d’un meilleur partage de ses missions et responsabilités.
Durant tout le mois de mai, notre mission a consisté à développer des stratégies afin de valoriser le caractère unique des pièces et la diversité des cultures représentés par le Plateau des Collections (nom donné par le musée pour désigner sa collection permanente). Ainsi, ces stratégies, dont certaines sont applicables immédiatement, visent à accroître l’attractivité et la notoriété du musée.
Mission et contexte
Notre mission s’inscrit dans un contexte national et international houleux, qui porte sur des enjeux relatifs à l’appropriation de certaines pièces spoliées durant le colonialisme. Il est ainsi reproché au musée, sous couvert d’art, d’occulter l’histoire et la réalité coloniale. La restitution de certaines pièces, dont la symbolique est parfois très forte, anime le débat public et interroge la place du musée au regard des attentes sociétales.
L’arrivée du nouveau président du Quai Branly, Emmanuel Kasarhérou, a impulsé de nouvelles réflexions qui ont conduit au projet « Branly 2025 ». Pour faire face à la baisse tendancielle de fréquentation, le musée s’est notamment donné comme objectif d’attirer et fidéliser des publics plus jeunes et divers (18-34 ans, toutes catégories socioprofessionnelles confondues). Ce processus entend également repenser le Plateau des Collections, qui souffre d’un défaut de lisibilité et d’intelligibilité.
L’un de nos objectifs consistait à redonner sens à la devise du Quai Branly – « dialogue des cultures » –, en créant un espace de coconstruction, entre le musée et un public d’une grande diversité culturelle et sociale. Il s’agissait également de mieux valoriser le Plateau des Collections pour accroître l’attractivité du musée, tant physiquement, en attirant davantage de visiteurs au sein du musée, que numériquement, en renforçant le lien virtuel via les plateformes numériques. Enfin, il était primordial de mettre en avant le rôle pédagogique du musée afin d’atténuer une image souvent perçue comme élitiste, occidentalo-centrée et trop esthétisante.
Préconisations
Afin de répondre aux différents enjeux identifiés précédemment, nous avons conçu une stratégie ciblée, articulée autour de sept axes. Loin d’une approche marketing et publicitaire, nous avons adopté une démarche globale et polymorphe.
Benchmark – Afin de questionner l’offre culturelle et muséale à l’échelle nationale et internationale, le benchmark vise à analyser et comprendre les réponses aux enjeux auxquels font face les institutions similaires au musée du Quai Branly. Ce benchmark a permis de mettre en évidence l’accélération de la digitalisation des musées due au Covid-19, mais aussi le réaménagement des espaces, pensés comme des lieux d’expérience pour fidéliser les publics. Toutefois, cette analyse a permis de mettre en lumière une communication timide, voire absente, quant au renouvellement des collections permanentes.
Sondage – L’étude que nous avons conçue est un projet de questionnaire, dont la diffusion serait assurée par un institut de sondage. Elle vise à interroger le rapport qu’entretiennent les visiteurs, et en particulier les 18-34 ans, avec le musée du Quai Branly, afin d‘identifier les causes explicatives de la baisse tendancielle de fréquentation, et d’y répondre. Nous l’avons construite du plus général au plus précis, par une articulation en trois axes : le recensement des différents profils qui composent notre cible ; l’analyse du rapport aux institutions muséales ; et des questions relatives à la collection permanente.
Signalétique et dénomination – À la suite de notre visite, nous avons fait le constat d’un manque de lisibilité de la collection permanente. La signalétique et l’appellation « Plateau des Collections » participent à cette confusion, car aucune explication n’accompagne ce nom, rien n’est fait pour en comprendre le sens. Afin de répondre à cette problématique, nous proposons deux alternatives : mieux incarner ce nom pour lui donner un véritable sens auprès du public, ou proposer une toute nouvelle dénomination claire et précise. Nous proposons également une signalétique repensée, afin de mieux guider le visiteur lorsqu’il entre dans le musée, et lui indiquer clairement l’espace dédié à la collection permanente.
Bulles immersives – Dans la lignée de la stratégie précédente, et pour répondre au déficit communicationnel de la collection permanente par rapport aux expositions temporaires, il nous a semblé nécessaire de créer des synergies entre les espaces du musée. En ce sens, nous avons conceptualisé des « bulles immersives », destinées à attirer l’attention des visiteurs des expositions temporaires vers le Plateau des Collections. Ces bulles prendraient la forme de dômes ou de sphères, afin d’y exposer des pièces de la collection permanente au sein des expositions temporaires. Elles seraient valorisées afin de détonner de l’espace d’exposition temporaire, par la mise en place de jeux de lumière, un marquage au sol spécifique, un effet clair-obscur, ou encore une reprise de la scénographie de la collection permanente.
Communauté active – Présent sur les différents réseaux sociaux, le musée souffre toutefois d’un manque d’interactions avec les internautes, empêchant la constitution d’une véritable communauté numérique. Le réseau social Instagram, plus spécifiquement, permettrait la valorisation de contenus esthétiques, d’autant qu’il propose de multiples outils mis à disposition des utilisateurs (sondages, boîtes à questions, quiz ou encore « stories à la une ») qui rendraient l’offre culturelle plus lisible. En ce sens, Instagram pourrait permettre la découverte et la valorisation des pièces du Plateau des Collections, mais aussi, par extension, le musée du Quai Branly, son architecture, ses coulisses, ses espaces…
Sélection d’influenceurs – Nous avons sélectionné cinq profils d’influenceurs présents sur YouTube et Twitch, qui pourraient collaborer de différentes manières avec le musée du Quai Branly : Charlie Danger, Rivenzi, Manon Bril, Nota Bene et Cyrus North. Ces derniers ont déjà travaillé avec des musées, associations, chaînes de télévision et abordent des sujets historiques, artistiques ou anthropologiques. Grâce à leur notoriété, qui est davantage construite autour de leur personne que du contenu de leur compte, ils parviendraient à attirer un public plus jeune. Ces collaborations permettraient de faire de la vulgarisation, mais surtout de rendre compte de l’histoire, de la symbolique et de l’usage des pièces choisies.
Vidéo Branly Expérience – Dans une démarche de coconstruction, de dialogue des cultures, et d’appropriation par notre cible (18-34 ans), nous avons réalisé la première vidéo d’une série consacrée au Plateau des Collections. Faite « par des jeunes, pour des jeunes » (18-34 ans, toutes catégories socioprofessionnelles confondues), elle vise à répondre au sentiment d’illégitimité de cette cible vis-à-vis du musée. Il s’agit de présenter le Plateau des Collections comme un lieu d’exception invitant à l’immersion et à l’apprentissage culturel, afin de favoriser le débat et de poser un regard critique sur les questionnements (colonialisme, spoliation des pièces, regard occidentalo-centré…) auxquels le musée est confronté.
Cette mission, en étroite collaboration avec M. Florent Papin et le musée du Quai Branly, a constitué une véritable plongée au cœur du monde culturel, bercé par des problématiques, qui parfois, dépassent ce domaine. De nombreux facteurs exogènes – qu’ils soient politiques, géopolitiques, ou historiques – nous ont permis de construire, et parfois de déconstruire, les représentations et idées reçues que nous nous faisions de l’art et la culture, trop souvent occidentalo-centrées et esthétisantes.
Notre commanditaire souhaitait que nous portions un regard critique sur l’ensemble du fonctionnement du musée, afin d’articuler au mieux notre stratégie de communication consacrée au Plateau des Collections. En ce sens, nous avons tenté d’apporter des solutions aux problèmes que nous avions identifiés, tout en tenant compte des contraintes (budgétaires, internes, etc.), et ainsi apporter une stratégie de communication globale et polymorphe. Certains axes de cette stratégie ont donc été pensés pour être applicables à court terme, tout en les intégrant dans la perspective du projet « Branly 2025 ».
Antoine BILLON, Aboubakar COULIBALY, Arthur HAMANT, Oumeyma JAMAZI, Thuvaraga THARMARAJAH (promotion M1, 2020-2021)